L’association S.A.M.M (Société d’Archéologie et de Mémoire Maritime) est un Passeur de mémoire.
Valorisation de deux des canons de la frégate royale la Vénus (1780-1781) sur la commune de Fouesnant
En septembre 2023, les élus de la commune ont donné leur accord pour financer la valorisation de deux canons avec le projet d’en placer un sur les remparts du fort Cigogne aux Glénan et un second dans un lieu public non défini. Le 6 octobre 2023, avec l’accord de la mairie de Concarneau, Le DRASSM et la mairie de Fouesnant ont signé une convention permettant de lancer officiellement le projet.
Comment ne pas profiter d’une telle occasion pour mêler les générations et partager les savoir-faire ?
L’association SAMM, travaillant depuis plusieurs années sur le projet, a mis en commun les compétences et les savoir-faire des services techniques de la mairie de Fouesnant, des apprentis du CFA du bâtiment, et des élèves du lycée technique Thépot à Quimper.
Cette mutualisation intergénérationnelle permet de reconstruire des affûts de canons de 12 livres avec l’autorisation et sur la base des plans de Jean Boudriot, architecte naval, les uns travaillant le bois, les autres la ferronnerie.
Ainsi, les remparts de Fort Cigogne devrait arborer un canon de la frégate Vénus à la fin du printemps.
A cette occasion, les membres de la SAMM ont pris l’engagement d’envoyer les élèves et les apprentis découvrir l’histoire de l’archipel des Glénan. La valorisation du patrimoine maritime est l’occasion de partager les valeurs et les richesses de l’histoire de notre littoral breton.
L’histoire commence par la mise à l’eau d’une magnifique frégate percée de 26 canons de 12 livres … pendant la guerre d’indépendance des Etats-Unis (1775-1783).
Commandée par le Roi le 4 décembre 1778, la frégate Vénus (1789-1781) est mise à flot le 6 mars 1789 et est armée à Brest en juin 1780. La frégate, battant pavillon du Roi sert dans les premiers mois de « découverte » au vaisseau l’Invincible en direction de Cadix. Elle rentre à Brest le 8 janvier 1781, puis après avoir stationnée quelque temps en réserve à Rochefort, elle repart en mars 1781 escorter des convois entre l’Ile de Ré, Nantes et Brest. Le 16 juin 1781, elle capture un corsaire ennemi.
Le 3 aout 1781, la frégate se trouve sous Groix, accompagnée d’une autre frégate : l’Aigle. Les deux bateaux contournent l’archipel des Glénan pour y surprendre quelques corsaires au mouillage.
Au petit matin du 5 Aout 1781, les matelots de la Vénus voient défiler sous leurs yeux à bâbord, les îles de l’archipel des Glénan. Soudain, une formidable secousse ébranle le navire…. La frégate vient de s’éventrer sur des roches à fleur d’eau sur le plateau des Leurious. L’eau envahit rapidement la Sainte-Barbe et les cales ! Afin d‘alléger le bateau pour tenter de le tirer de cette fâcheuse position, le Capitaine fait élinguer un à un les 32 canons et, après avoir fixé une bouée sur chaque cordage, les fait descendre à la mer. Malheureusement, rien n’y fait, le bâtiment est rapidement abandonné par l’équipage.
Près de 200 ans plus tard, en 1977, M. Pierre Raine, plongeur professionnel, fondateur de la société SOS Plongée à Concarneau, découvre le site du naufrage. Puis, en 1978 et 1990 la municipalité de Concarneau accepte de prendre en charge les frais des opérations de renflouement et plusieurs canons sont remontés avec l’autorisation du DRASM.
Après avoir été dessalés, les canons sont entreposés pendant 10 ans au sec sans traitement jusqu’à ce que M. Louis Le Sellin, employé à la mairie de Concarneau, et grâce à l’aide technique des services d’Electricité de France, mette en place un protocole de traitement électrochimique approprié et très efficace. Une fois traités, deux des canons sont exposés pendant de nombreuses années dans la ville close et trois autres sur le rondpoint de Kerviniou sur la route de Tregunc. Les autres non valorisés, sont entreposés dans un atelier municipal.
A l’automne 2021, une inspection des archéologues du DRASSM a mis en évidence le mauvais état des canons. En octobre 2022, en convoi exceptionnel, ils ont été envoyé chez Arc’antique à Nantes pour bénéficier d’un nouveau traitement. (Chaque pièce pèse une tonne deux !)
Canons de 12 courts dont la fabrication a été réalisée selon l’arrêté de 1778, provenant du site de la Vénus, en cours de traitement chez Arc’antique Nantes.
A leur retour en Finistère, les canons seront répartis entre les communes de Concarneau et de Fouesnant-les Glénan.
Ce sera, pour cette artillerie du XVIIIe siècle, une nouvelle vie, cette fois devant du public.
Sources :
Cet article a pu être réalisé grâce aux archives de M. Louis Le Sellin, l’ouvrage de M. Michel Gueguen : « Au large de Concarneau, Le naufrage de la Vénus » et du rapport 2024 de la SAMM destiné au DRASSM : OA 5399 de mai 2023.
Philippe Bodénès
Docteur en histoire moderne
Président de la SAMM