La Tour Davis (cliché Ouest-France)
Le nom vient de l'utilisation d'appareils de sauvetage "DAVIS" par la Marine Française, après guerre, en remplacement des "Tauchretter" dont l'emploi par les Allemands dans leurs centres d'entrainement au sauvetage et à bord de leurs sous marins, ne satisfaisait pas aux nouvelles exigences des sous marins Alliés. Seule l'architecture des appareils est différente. Le principe de fonctionnement est identique et l'entrainement satisfait à la même structure.
La période de transition d'un appareil à l'autre se situe durant l'année 1948 et le centre d'entrainement de Lorient est naturellement choisi pour pratiquer la formation des équipages à l'évacuation. Les infrastructures héritées de la Kriegsmarine existent et ne réclament que peu de modifications. Le premier sous marin à subir les modifications nécessaires afin de pouvoir recevoir les appareils DAVIS sera le BOUAN, courant été 1950.
Appareil Davis |
Appareil Tauchretter |
Plus tard, les techniques d'évacuation vont évoluer, les matériels se perfectionner et la Tour Davis subira des refontes au fil des ans et de l'amélioration des méthodes et procédures d'évacuation de sous marins, pour finalement cesser toute activité le 1er juillet 1995. L'entrainement des équipages de sous marins sera alors réalisé à l'île Longue, prés de Brest dans un nouveau centre, le CESI.
A partir de 1954, la Tour DAVIS sera dotée d'un caisson multiplace de recompression sur lequel pourra être clampé un caisson monoplace susceptible de transporter un accidenté depuis un chantier en mer jusqu'à son transfert dans le caisson multiplace afin que lui soient prodigués les traitements thérapeutiques appropriés. Ce caisson multiplace se divise en 2 parties, une chambre de traitement et un sas de transfert à partir duquel il est possible de permuter le personnel soignant en cours de traitement.
Au temps de sa splendeur, au plus fort de l'activité, la Tour DAVIS était armée par 5 plongeurs démineurs, 1 infirmier hyperbariste et 1 mécanicien sous marinier plongeur de bord.
Son activité consistait à :
1. La formation et l'entrainement des équipages à l'évacuation des sous marins classiques et nucléaires
2. L'encadrement et l'entrainement des plongeurs de bord du port de Lorient et de l'arrondissement maritime
3. Les interventions au large sur sous marins au départ ou retour de mission.
4. Le traitement des accidentés de plongée de l'arrondissement maritime
5. Le traitement thérapeutique en oxygénothérapie hyperbare des patients civils et militaires.
6. Les interventions spécialisées de plongée professionnelle.
7. Le maintien en condition dans la spécialité de plongeur démineur.
|
| |||
Instructeurs |
Cuve d'entrainement Partie basse |
Partie haute de la cuve |
MK 8 |
PF 77 |
Au fil du temps les techniques se sont améliorées. Si, lors de la guerre 39/45 peu de sous marins disposaient de jupes en dessous des panneaux d'échappées, la période à partir de 1948 généralisa cette technique qui, associée aux appareils respiratoires individuels, permettait une évacuation collective après qu'un des compartiments du sous marin ait été inondé jusqu'au bas de la jupe. Cette technique, bien que mécaniquement fiable , limitait cependant la profondeur d'évacuation compte tenu du taux de saturation gazeuse des individus pendant la phase de mise en pression et du temps nécessaire à la sortie du dernier, sans compter sur la toxicité du gaz contenu dans les appareils de sauvetage (air) dont les plongeurs connaissent les limites physiologiques. Vers la fin des années 60, les Marines modernes optent pour une évacuation individuelle par un sas spécialement aménagé dans la la coque épaisse. Le "Gymnote", sous marin expérimental des futurs SNLE subit de longues périodes de carénages au cours desquelles lui sont installés les tubes de missiles stratégiques mais également un sas individuel d'évacuation.
Dés lors, tous les nouveaux sous marins, qu'ils soient à propulsion diesel/électrique ou nucléaire, disposeront de 1 ou 2 sas d'évacuation individuelle. Les sous marins existants, antérieurs à cette période (types Daphné, Arethuse,Narval), continueront à pratiquer l'évacuation par la "jupe", jusqu'à leur retrait du service. Leurs équipages passeront régulièrement par la Tour DAVIS afin d'apprendre ou se recycler. Au début des années 70, la PF 77 fait son apparition. Il s'agit de l'évolution des appareils Davis et Tauchretter par l'adjonction d'une cagoule à visière transparente à l'intérieur de laquelle l'air est emprisonné augmentant ainsi le pouvoir ascensionnel de l'appareil et ne nécessitant pas la mise en bouche d'un embout respiratoire. Dans son compartiment noyé, de l'eau jusqu'à la poitrine, équipé d'un pince nez, cagoule fermée, l'individu prend une inspiration, s'immerge, se glisse sous la jupe, ouvre sa bouteille d'air et gonfle la cagoule, il décolle du fond en poussant énergiquement sur ses jambes et entame sa remontée en expirant. La remontée s'effectuera à 3m/seconde, la partie basse de la cagoule est équipée d'un "bec de canard", permettant ainsi la libre détente du gaz pendant la remontée. La limite mécanique de cette procédure se situe aux environs de 60 mètres. Au delà, tout est aléatoire... Les SNLE (sous marins nucléaires lanceurs d'engins), dont le "Redoutable" fut le premier du type, seront les premiers sous marins Français à être équipés, à la construction, de sas individuels. S'en suivront les "Agosta" puis les SNA (sous marins nucléaire d'attaque) pour lesquels un nouveau vêtement d'évacuation est mis au point. Il s'agit d'un vêtement intégral à double paroi surmonté par une cagoule du même type que celle de la PF 77. Ce vêtement comporte des manchons étanches aux poignets et une collerette en "feuille anglaise" au niveau du cou. La protection thermique a été particulièrement privilégiée, la période d'attente en surface pouvant être importante, avant l'arrivée des secours, d'autant plus dans une eau trés froide. Une poche scellée sur la cuisse contient du matériel de protection thermique et de signalisation visuelle. Ce vêtement, en usage dans les différentes marines modernes, est relativement similaire dans son ensemble. Il est connu sous l'appellation Mark (Mk) suivie d'un indice 7, 8, 9,.... au fur et à mesure des modifications minimes qui lui sont apportées. La Royal Navy, dans les années 80 a réalisé 2 sorties à 180 mètres, parfaitement maitrisées par du personnel spécialisé.
Le gonflage du vêtement se fait par l'intermédiaire d'un embout souple situé sous l'avant bras gauche. Lorsque le panneau s'ouvre, l'eau remplit l'espace libre autour de l'individu et le place en flottabilité positive. Il est alors "arraché" vers la surface à une vitesse avoisinant les 4m/seconde. La rapidité de la mise en pression et le peu de temps passé à grande profondeur sous un gaz incompatible (air) ne permettent une saturation notoire des tissus humains et n'ont que peu d'effet sur l'organisme, à condition de s'affranchir de la surpression pulmonaire à la remontée. Le rôle des instructeurs du centre d'entrainement au sauvetage est d'informer les équipages des risques encourus et de la façon de ne pas s'y soumettre.
Au delà de cette profondeur, et même en deçà, si les circonstances s'y prêtent, la France a passé des accords avec l'US Navy afin de disposer d'un moyen de sauvetage collectif du type transfert de sous marin à sous marin. L'engin concerné est le DSRV. Ce mini sous marin peut être disposé sur un sous marin plus gros pour son transport sur zone, tel un rémora. La communication entre les deux enceintes se faisant par le sas d'évacuation. Le sous marin d'assistance et le DSRV viendront se positionner aux alentours du sous marin en difficulté, une fois celui ci localisé. A ce moment là, le DSRV fera la navette entre les deux enceintes, à raison d'une quinzaine de personnes à chaque voyage.
Sur cette image, le support du DSRV et le sous marin assisté sont tous deux Français. Il s'agit d'un SNLE et d'un diesel de type "Agosta". Le DSRV de l'US Navy et nos sous marins sont donc compatibles en terme de standard de panneaux.
DRV sur un sous-marin (photo Marine Nationale)
Les limites de profondeur sont des informations protégées, mais il est facile d'imaginer à quel point ces limites, par rapport aux moyens individuels précédents, peuvent être repoussées.
La difficulté majeure de cette configuration semble être la standardisation des organes de clampage et la position des points d'arrimage sur la coque des sous marins. Chaque pays disposant déjà de ses propres standards, et ce depuis bien longtemps, il faut laisser le temps au temps. Il semblerait, toutefois, que la France se soit rapidement alignée sur le standard US, plusieurs exercices inter alliés s'étant déroulés avec succès et je doute fort que l'US Navy se soit alignée sur les nôtres..
Pour réaliser des plongées au delà de 35 mètres dans le cadre réglementaire, les plongeurs démineurs de la Marine Nationale sont tenus de disposer d'un moyen de recompression, directement à la verticale. Les PLD de la Tour DAVIS disposaient donc d'un caisson de recompression biplace mobile, qui était installé, à l'abri, à bord d'une embarcation de 13 mètres. A ce caisson était associé un rack de mélanges thérapeutiques suroxygénés et d'oxygène pur en quantité suffisante pour entamer un traitement pendant le transit vers un caisson multiplace. Il devenait alors possible et réglementaire d'entreprendre des entrainements et des interventions jusqu'à 60 mètres.
La Tour DAVIS n'était pas dotée de moyens pour intervenir au delà, domaine des GPD et du GISMER. La vitesse de croisière de la chaloupe se situant autour de 12 nœuds, il arrivait parfois que des rotations avec la terre, afin de permettre au plus grand nombre de plonger sur des sites plus accueillants que la rade de Lorient, soient organisées, sans que la plongée monopolise la journée entière. Dans ce cas une embarcation rapide de 7,50 m et de 250 cv était affectée au transport des personnes en deux bordées. A plusieurs reprises, des exercices de transfert du caisson biplace ont eu lieu entre la chaloupe et le caisson multiplace de la Tour DAVIS, mais également des transferts entre les caissons biplace des Chasseurs de mines de passage à Lorient et la Tour DAVIS.
Chaloupe partie arrière |
Chaloupe de 13 mètres |
Chaloupe partie avant |
1. La chaloupe arrive à quai et est rapidement débâchée. Les racks étant solidaires du caisson, le traitement suit son cours. L'accidenté est allongé dans la partie étroite et fuselée. Il est assisté d'un infirmier hyperbariste, assis dans l'autre partie. Les deux parties communiquent mais peuvent être isolées séparément par un panneau permettant si nécessaire de permuter d'assistant. L'infirmier dispose les alimentations en gaz thérapeutiques et veille au maintien du masque sur le visage de l'accidenté. Il peut être amené à procéder à des injections ou à prodiguer des actes de réanimation.
2. Le caisson est transporté jusqu'au bas de la Tour DAVIS ou une lyre particulière l'alimente en gaz au cas ou, pour une raison quelconque, la manœuvre viendrait à être stoppée en cours de hissage et le caisson immobilisé au dessus du sol sans qu'il soit possible d'intervenir directement.
Le caisson biplace est hissé jusqu'au 3ème étage de la Tour DAVIS.
3. Le caisson multiplace est disposé, alimenté en gaz thérapeutiques et matériel médical en vue du traitement approprié. Le personnel médical s'installe dans la chambre et dispose ce qui lui sera nécessaire lorsqu'il se retrouvera au contact de l'accidenté.
4. Arrivé au 3ème étage le caisson est brassé à l'intérieur et déposé sur un chariot à roues multidirectionnelles. La phase de clampage est la plus délicate. Il s'agit, non seulement de bien aligner les 2 caissons quand le multiplace et le biplace seront équilibrés, la porte du biplace sera ouverte, l'accidenté sera transféré sur sa civière dans la chambre du multiplace et le traitement véritable pourra débuter. Le traitement pourra ainsi durer plusieurs jours, si nécessaire. La chambre et le sas du multiplace, ainsi que la totalité du biplace sont maintenant à équi-pression. Lorsque la table de recompression choisie permettra un palier de longueur suffisante, il sera entrepris de déclamper le biplace afin de le reconditionner en vue de la reprise normale des activités de plongée. La vie continue... Le biplace va maintenant être ramené en surface. La porte autoclave entre la chambre du multiplace et le sas est fermée. La décompression de l'ensemble sas multi + totalité du biplace est entamée, en respectant les vitesses de décompression (l'infirmier se trouve toujours à l'intérieur). Il sera peut être nécessaire de passer par des paliers...
L'ensemble arrive maintenant en surface et l'infirmier peut sortir de son côté. Le caisson biplace est déclampé, le sas du multi est libéré et il est maintenant possible d'envisager de nouveaux sasages dés que cela sera nécessaire.
5. Les plongeurs de bord de l'arrondissement maritime de Lorient sont alors contactés et un tour de veille est assuré afin que l'accidenté ne reste jamais seul ni de jour, ni de nuit. Il est impératif que les accompagnants ne débordent pas sur un temps d'exposition imposant l'exécution de paliers, chose inenvisageable en l'état, sauf si...Le personnel médical qualifié (médecins, infirmiers hyperbaristes) devra ponctuellement être sassé afin de procéder à la mise en place ou le retrait des perfusions, voire d'actes à caractère plus lourd, en fonction de l'évolution de l'état de santé du patient.
Un certain nombre d'accidentés en provenance de lieux de plongée proches ou lointains ont été accueillis au caisson de la Tour DAVIS. Ils ont été acheminés par mer, par route ou même par hélicoptère. L'incapacité de la plupart à s'auto diagnostiquer a souvent entrainé des traitements inutiles et à l'inverse, la peur de l'accident a occasionné des retards de traitement préjudiciables voire irréversibles. Il est donc très important d'être en bonne santé et respecter une bonne hygiène de vie pour pratiquer l'activité, mais surtout de bien se connaitre. Certains sont passés très prés de la correctionnelle, d'autres s'estiment victimes d'accidents immérités, mais pour tous ceux qui y sont passés, la leçon a toujours été profitable. Pour avoir opéré sur les caissons de Brest, Toulon, Cherbourg et Lorient, au cours de toutes ces années, j'ai tout de même vu passer quelques individus hors normes dont le domaine d'activité est ahurissant... Une façon comme une autre de constituer le cercle de ses amis... (sic.)
Le caisson n'accueillait pas seulement les accidentés de plongée. La période hivernale nous occasionnait un taux d'occupation important, principalement à cause de la défectuosité des appareils de chauffage entrainant l'intoxication à l'oxyde de carbone. D'autres thérapies étaient également entreprises telles que gangrènes, surdités brusques, cicatrisations difficiles... un autre monde, plus pathétique.