Gravure sur acier, par J. Outhwaite d´après A. Morel Fatio, 1859
Superbe, vaisseau de 74 canons, mis sur cale à Anvers (1) le 23 août 1803. Le 1 septembre 1810, il est encore en construction au 5/24ème. Il ne sera mis en service que le 05 juillet 1814. Dessiné sur les plans de l'ingénieur Jacques-Noël Sané, il est considéré comme "le plus joli vaisseau de la Flotte Française". Long de 56 mètres et large de 15, pour un équipage de 570 marins et fusiliers, il jaugeait 3.000 tonneaux et portait 74 canons.
Le 4 avril 1833, le Superbe, commandé par le capitaine de vaisseau André-Charles Théodore Du Pont d’Aubevoye, comte d’Oysonville (2), avait quitté Toulon pour rejoindre l’Escadre du Levant à Smyrne (aujourd’hui Izmir), où il arriva le 23.
L’usage de l’époque prévoyait l’hivernage des navires de guerre. C’est ainsi que, au début de décembre, après la corvette "La Cornélie" qui devait faire le détour par Salonique pour embarquer les rescapés du naufrage d’un navire de commerce et qui était partie le 9, "Le Superbe" et "La Galatée" avaient reçu du contre-amiral Hugon (3) l’ordre de quitter leur mouillage et de le rejoindre à Nauplie où l’Escadre du Levant se préparait pour rentrer passer l’hiver à Toulon.
Jacques-Noël Sané |
André-Charles Théodore Du Pont d’Aubevoye, comte d’Oysonville |
"Messieurs,
L'ordonnance du Roi du 23 janvier dernier, vous a réuni en conseil de guerre pour juger la conduite du commandant comte d’Oysonville, capitaine de vaisseau de première classe, relativement à la perte du Superbe qu'il commandait à la station du Levant. Ce vaisseau a appareillé le 14 décembre au matin de la rade de Smyrne, pour se rendre à Nauplie. Assailli dans l'archipel par une violente tempête, il a naufragé le lendemain 15, dans l'après-midi, à l'entrée du port de Parakia, île de Paros, presque au centre de cet archipel.
Une telle perte, Messieurs, a affligé la marine et le pays. Suivant les lois qui régissent la flotte, vous êtes appelés à examiner si, dans les circonstances pénibles où c'est trouvé le vaisseau le Superbe, le commandant Oysonville a déployé toutes les ressources, a employé tous les expédients, a fait tout ce qu'un marin et un capitaine devait faire pour éviter un semblable malheur : si, avant, les routes parcourues tendaient à le retirer d'une position au plus haut point dangereuse, si les manoeuvres faites, si les précautions prises ont été ce qu'elle pouvait et devait être au moment du naufrage, et si après ce déplorable événement, tout ce qui est prescrit par les ordonnances pour le sauvetage des hommes et du matériel a été effectué. Ces questions sont graves, Messieurs, grave comme le verdict que votre conviction aura à énoncer.
Nommé par la même ordonnance pour remplir les fonctions de rapporteur et de procureur du roi près ce conseil de guerre, moi, le moins ancien des capitaines qui siègent dans cette enceinte, je ne me suis pas dissimulé ce que cette tâche avait de pénible et m'offrait des difficultés.
Avec l'intention de vous faire connaître d'une manière claire les événements que vous avez à examiner, et afin de vous mettre à même de fixer votre opinion, je me propose de diviser mon travail en trois parties.
Dans la première, j'établirai les faits d'après le rapport officiel du capitaine Oysonville, son interrogatoire, le procès-verbal de la perte du vaisseau et les divers témoignages obtenus dans le cours de l'information.
Dans la seconde, je reprendrai les faits, particulièrement ceux relatifs à la navigation du Superbe et à son naufrage dans Parakia. Je donnerai à ses faits tous les développements qui nécessitent.
Enfin, dans la dernière, j'aurai l'honneur de vous soumettre les conclusions que le devoir de mon ministère m'oblige à vous présenter.
Le vaisseau le Superbe appareilla, le 14 décembre, à 8 heures 20 du matin de la rade intérieure de Smyrne, d'après le signal du contre-amiral Hugon, commandant de la station du Levant, dans ce vaisseau faisait partie. Il lui avait été dit de mouiller de relâcher, s'il le jugeait convenable, dans le cas de mauvais temps ou de vents contraires. La frégate la Galatée fit un semblable mouvement ; cependant c'est deux bâtiments ne devait pas naviguer de conserve. Dans la matinée, faible brise de Sud-Est, temps incertain : après-midi, temps à grains de pluie et vent qui fraîchissent variant par l'Est et le Nord-Est. Plus tard, le vaisseau ayant arrondi les accores* du banc et approchant les pointes qui forment l'entrée du golfe, les petites voiles sont ramassées, et l'on se dispose à aller mouiller vis-à-vis des salines. Le pilote grec du vaisseau voyant ces dispositions, va de son propre mouvement remontré au capitaine Oysonville que ce temps obscur allait s'embellir, que le vent qui serait de l'arrière diminuerait à mesure qu'on s'éloignerait du continent. L'avant du vaisseau, et se dirigeant pour doubler Cara-Bournou, se trouvait la Galatée et la frégate du commodore américain ; de l'arrière une autre frégate de la même nation sortant d’Ourlac. Toutes trois devaient défiler ou descendre l'archipel. Ces considérations et des observations du pilote grec déterminèrent le commandant Oysonville à renoncer au mouillage et à faire route pendant la nuit. Elle devait très obscure, car le 11 c'était la nouvelle lune.
Avant 5 heures, on commence à prendre des ris*, et les perroquets* sont serrés. A sept heures, la route est donnée à l'Ouest Nord-Ouest pour passer au Nord d’Ipsara (Psara). Le petit hunier et le perroquet de fougue* avaient été serrés avec trois ris. Une demi-heure après toutes les autres voiles étaient bien rabantées*, à l'exception de la misaine, qui resta sur ses cargues*, et du petit foc, sous lequel le vaisseau fuyait* déjà. On travaillait à enverguer la pouillouse*. La tempête commençait déjà : le temps très noir, le vent, qui était Est-Sud-Est à la nuit, avait viré est Nord-Est par violentes rafales ; la mer, excessivement grosse, faisait beaucoup tanguer et rouler le vaisseau.
De 8 heures à minuit, ces funestes présages vont en augmentant sans cesse. C'est une bourrasque déclarée. Il neige dans la mer Noire et sur les Balkans, disent pratiques de l'archipel. Ces mots indiquent que cette neige se résolvant pluie, déterminera un coup de vent du Nord au Nord-Est, et étendra sur l'horizon un voile d'obscurité telle que la navigation deviendra non seulement dangereuse, mais impossible. À minuit, le vent déploie toute sa fureur : le Superbe, qui d'ailleurs avait de très bonne qualité, ne gouverne qu'avec peine au milieu de lames très élevées : il fallait six à cet homme à la roue* pour rencontrer les embardées. Les avaries du vaisseau commencent en cette journée du 15, pendant laquelle s'accomplira aussi son naufrage.
Une lame qui vient déferler à bâbord enlève l'ancre de bossoir* qu’on avait pu bien saisir ; des accidents graves pouvaient en résulter : on se hâte de démaillonner la chaîne à 36 brasses*, on abandonne avec l'ancre. Les embarcations de côté et une yole à poupe avaient été également lavées, emportées ainsi qu'une des vergues de hune rechange. Dans un fans, le petit foc se déchire et est emporté en lambeaux. À 1 heure 40 minutes, le méridien des Ipsara étant dépassé le commandant donne la route au Sud-Ouest pour se diriger sur le Cap Doro. En altérant la route de six quarts*, le vaisseau prend la mer par la hanche de bâbord, et se lance dans le vent malgré sa barre, puis reste le cap au Sud-Est, sans pouvoir revenir à la route donnée. Le sillage était grand, il importait de changer cette route, car Ipsara était dans cette direction. Après quelques minutes d'incertitude, le lieutenant de vaisseau de Rostaing, le mettrait une trentaine d'hommes montent dans les haubans de misaine. Le vaisseau arrive* aussitôt : mais son grand mât de hune venait de se briser à dix pieds du chouque, tombait sur tribord entraînant dans sa chute le mât de perruche. Les vergues du grand hunier et du petit perroquet furent également rompues. La force du vent et la violence de la mer étaient si grandes qu'on ne s'aperçut de ces avaries que par la chute des cordes de qui tombaient sur le pont. Il n'est pas besoin d'ajouter qu'il n'y avait que les plus intrépides marins qui puissent parvenir à s'élever dans le gréement, et que depuis 8 heures, il était impossible de travailler en dehors du bord. Cette impuissance de pouvoir agir s'applique aux voiles qui, quoique rabantées en doubles et triples rabans*, n'en étaient pas moins emportées par le vent qui s'introduisait à la longue dans leurs plis. On perdit ainsi brigantine*, perroquet de fougue, grand’voile et grand hunier. À la fin de cette trop longue nuit le jour était attendu avec anxiété. On se rapprochait de Négropont trop rapidement.
Ici je dois dire qu'il existe une différence sur les routes de 5 à 7 heures du matin. Est-ce à cinq ou six heures qu'on a altéré la route vent arrière pour venir sur bâbord ; ou bien est-ce à 6 heures ou à 7 heures qu'on a mis le cap au Sud-Est ? Le commandant et l'officier de route affirme qu'à 6 heures on a gouverné au Sud et à 7 heures Sud-Est. C’est d'après ces dernières données que M. de Rostaing a figuré sur la carte les routes pendant la journée du 15. Il les suivait avec une attention stimulée par la proximité des terres. Cette divergence importe peu, du reste, puisque le passage du cap Doro n'a pu être tenté. Toutefois l'estime offrait déjà une erreur, ainsi qu'il est aisé de le vérifier par la comparaison du point de position à 6 heures, employant d'abord l'estime* depuis le relèvement de Cara-Bournou, et ensuite opérant en sens inverse d'après la reconnaissance fait plus tard de Tino à 11 heures.
Le rapport du capitaine de la Galatée, annexé à la procédure, établi de grands rapprochements dans la situation très dangereuse de ces bâtiments. Sous ce point de vue, ce rapport, pièce à décharge, est intéressant à consulter. En effet, ce sont des avaries semblables de mâts de hune, de vergues, d'ancre, de canots ; c'est un horizon aussi borné, le même temps, la même impossibilité de travailler dans le gréement ; tout, jusqu'à la détermination prise vers 7 heures de prendre bâbord amures, vient à l'appui de ce qui est dans le rapport du Superbe. Faisons observer, néanmoins, que la frégate ayant mis à la cape* dès 11 heures, se trouvait sans doute plus au Nord-Est.
Ne voulant pas donner dans le passage du cap Doro sans voir les terres adjacentes à bord du Superbe, ont couru à mâts et à cordes vers le Sud-Est, avec l'espoir que, dans les environs de midi, on aurait au moins une éclaircie. C'est une donnée pratique bien reconnue qu'en temps obscur, les hautes terres de Tino sont plus souvent découvertes que celles de Négrepont. Le vaisseau fatiguait extrêmement, mais ne faisait eau que par ses oeuvres mortes*. En cette matinée, deux incidents vinrent ajoutés aux inquiétudes que donnaient les autres avaries. L'ancre de tribord glissa dans sa serre-bosse*, et les pattes descendirent. On parvint, non sans peine, à la soulager un peu. Un verre des hublots de l'arrière de l'entrepont fut défoncé par le bout de la vergue de grand perroquet, qui, ballottée par la mer, le billarda*. On boucha cette voie d'eau avec de grandes difficultés, puis on coupa, ont saisi ces débris de mât et de vergue du grand perroquet.
Avant 10heures et demie, on aperçut la terre sous le vent à bien petite distance. Il était temps, car cette route au Sud-Est pouvait devenir très dangereuse. C’était Tino (Tinos), sont, à 11 heures, on releva un une des pointes les plus E. Il y avait nécessité de donner dans le Boghas, entre cette île et Miconi (Mykonos) : on ne pouvait faire aucune autre manoeuvre. On laissa donc porter* pour contourner les parties Sud-Est et Sud de Tino. Le pilote grec entretenait le commandant d’Oysonville de la possibilité de prendre un des mouillages de Miconi qu'on ne voyait point, ou celui de Délos, qui était encore moins accessible. Il demanda de mettre dehors la misaine, voile neuve, ressource précieuse : on la laissa tomber. Qu'ajouterais-je Messieurs ? Il surventa en tourmente sous les hautes montagnes de Tino ; obligé de carguer cette misaine, elle fut enlevée presque aussitôt après..."
Trajet depuis Smyrne |
Trajet final |
"Le superbe devait vers midi avoir un peu dépassé la pointe la plus sud de Tino, dont il ne pouvait être que fort peu distant. On ne voyait rien des pointes des relâches antérieurement proposés par le pilote. La résolution qu'allait prendre le capitaine d’Oysonville dépendait le salut du vaisseau et aussi celui de l'équipage. Après de promptes mais sérieuses méditations, il se détermina, sur l’avis de ce pilote, aller chercher un refuge dans le port de Nausse (Naoussa). On vint sur bâbord : le petit hunier, soulagé du ton*, fut mis dehors avec les trois ris. La grande Délos fut vue plus tard assez bien, quoi que confusément, et la route fut donnée par le commandant au Sud 1/2 Est. C'était le même temps, et des vents probablement un peu plus au nord. Deux ancres seules, alors étalinguées*, étaient prêtes à mouiller, tribord au bossoir, avec 70 à 80 brasses* de chaînes en bitture, et l'ancre de veille de deux bâbord avec 60 brasses d'un câble de chanvre élongée dans la batterie*.
On voit l’île de Paros : le pilote la reconnaît. Pour se rapprocher et donner, dit-il, dans le passage d'entrée, il faut venir sur tribord jusqu'au S 1/2 O. Cette entrée du port de Nausse, il y a environ un mille, se trouve entre : qui sont les parties les plus septentrionales de Paros. A bâbord est l’île aux lapins, comparativement plates découvertes de verdure ; à tribord, le Cap Noir, masses de rochers de cette couleur, accores, élevées et presque sans végétation. Plus à l'ouest correspondant à la partie qui, à l'intérieur de la rade, est le bon mouillage, se trouve un isthme de terre basse qui pourrait être pris pour la véritable entrée. C'est sur cette terre basse que le pilote faisait gouverner. On n'en était très près, lorsque le lieutenant de vaisseau Le Fraper, sautant du petit gaillard d'avant, accourt informer le commandant que le vaisseau a le Cap en pleine côte : deux encablures* encore, il s'en était fait du Superbe ! Sans délibérer le capitaine d’Oysonville ordonne de mettre la barre à bâbord ; le petit hunier fut orientée et le foc d’artimon mis dehors. On ne saurait s’exprimer ce qui s'est passé à bord du vaisseau pendant une demi-heure. Il fallait doubler un cap hérissé de rochers, et ce cap apparaissait au vent, le petit hunier étant déjà presque en ralingue* ! Écoutez encore, Messieurs, ce qu’en dit Vallanca, second chef de timonerie, qui était à la barre depuis 15 heures : "après avoir lofé* grand, nous parvînmes avec beaucoup de peine à échapper un danger presque certain, corps et biens. Il y avait du tumulte à bord causé par les hommes effrayés. Je n'écoutais que la voix du commandant et celle de l'officier de manoeuvre ; je maniais la barre pour conserver assez de vent dans le petit hunier, qui aurait été enlevé s'il avait ralingué. Je savais que c'était notre unique ressource."
Le vent adonna* dans un grain, on su s'en prévaloir. Le commandant donnait ses ordres avec sang-froid ; l'officier de manoeuvre les répétait, et Vallenca était à la barre !
Le rapport du commandant d’Oysonville fait connaître quelles furent les raisons et sur quelles données il se détermina ensuite à faire route pour la relâche de Parakia, port aussi peu connu que fréquenté, mais qui se trouvait alors à petite distance. Les moyens d'amarrage étaient restés les mêmes. Les recommandations avaient été faites, transmises pour être bien prêt à mouiller les deux ancres. Le capitaine de corvette se chargea de celle de tribord, et le quatrième lieutenant de vaisseau fut spécialement désigné pour l'ancre de veille de bâbord. Il était 2 heures 30 minutes ou 3 heures. Le vaisseau est dirigé vent arrière sur l'entrée de Parakia qui a été bien reconnue par le pilote.Encore aujourd'hui nous n'avons aucun plan particulier ni de l'entrée ni de l'intérieur du port de Parakia. Notre seul guide, ce sont les deux cartes du Neptune (5), où il est figuré à trop petits points pour pouvoir en rien conclure. Les esquisses, les renseignements que j'ai pu me procurer diffèrent essentiellement sur sa configuration, ces dangers, et surtout sur ses dimensions. La largeur de l’entrée varie, par exemple, de deux câbles à deux milles. Pour fixer ces idées, je n’ai pas cru beaucoup d’erreurs en estimant cette largeur à è ou 8 câbles de pointe à pointe, et la profondeur accessible à très-près de deux milles. Cette approximation est fondée sur la comparaison avec le goulet de Nausse, dont la dimension nous est presque connue.
Le vaisseau le Superbe est maintenant à l'entrée de Parakia. Il vient sur bâbord. le petit hunier est orienté et le foc d'artimon bordé pour recevoir le vent de tribord, on ajoute que la pointe d'entrée était doublée. Mais l'est-elle à l'Ouest ou au Sud ? Beaucoup de questions de cette nature n'ont pu avoir de solutions complètes. Le procès verbal du naufrage dressé le 30, à bord de l'Ephigénie, ajoutent peu à ces premiers documents... Le vaisseau se dirigeant pour aller au bon mouillage, des cris de "mouille" partis du passe-avant de tribord et répétés à plusieurs reprises jusque sur le gaillard d'avant, y sont pris pour la transmission d'un ordre du capitaine du vaisseau. Cela n'était point et ne pouvait pas être. Le capitaine de corvette surpris, hésite un moment et finit par faire mouiller l'ancre de tribord. Le vaisseau avait encore trop d'erre*, il n'était à ni à l'abri du vent, ni de la mer et par surcroît de malheur, le cable en corde de bâbord qu'on allait être forcé de mouiller allait se trouver en croix avec un cable chaîne... Le commandant d'Oysonville instruit trop tard de cette erreur fait mouiller l'ancre de bâbord, dont le cable s'engage mais est bientôt paré. L'erre est encore si grande que l'extrémité de la volée d'un canon en fut tordue. Bâbord ayant croché sur le fond, le Superbe évita, talonna et para presque aussitôt, faisant tête sur cette ancre, il dépassa un peu le lit du vent et revint sur tribord. Après quelques minutes mortelles, l'ancre chasse, le vaisseau s'échoue : soulevé par la grosse mer il est dans le même moment défoncé et crevé en son milieu...
Lithographie du naufrage du vaisseau Le Superbe |
Vaisseau Ville de Marseille |
Accores : Une côte, un rocher sont accorres lorsque leurs parties latérales qui sont baignées par la mer sont à pic.
Adonner : En parlant du vent, signifie qu'il est plus favorable qu'il ne l'était auparavant. Alors on peut mettre à la route voulue soit s'en rapprocher.
Prise de ris sur une voile
Arriver : venir sur le cap donné.
Billarder : Frapper à coups reboublés de billard (barre de fer cylindrique de 3 à 4 mètres de longueur munie d'un talon plus fort que la tige et qui sert à forcer les cercles de fer d'un mât.
Bitture : Portion déterminée d'un câble qui doit se filer librement l'orsqu'on a laissé tomber l'ancre. La bitture est proportionnée à la hauteur présumée du fond où l'on mouille.
Bossoir : Ce sont deux pièces de bois qui saillent en dehors de la muraille de l'avant du navire, de chaque coté et qui servent à suspendre les ancres et les tenir écartées du bord.
Brasse : mesure de longueur equivalente à 5 pieds soit 1,62 mètre.
Brigantine : La brigantine est une voile aurique trapèzoïdale placée sur le mât d'artimon d'un trois-mâts.
Cargues : corde ou manoeuvre qui sert à retrousser une voile sur elle-même quand on veut la soustraire à l'action du vent ou qu'il s'agit de la serrer sur sa vergue.
Elongée dans la batterie : Etendre à plat un câble, une bitture entre la double rangée de bouches à feu (canons) placée sur le pont.
Encablure : Longueur d'un cable qui est ordinairement de 120 brasses (195 mètres).
Erre : vitesse résiduelle d'un navire sans voiles.
Estime : La navigation à l'estime est la méthode qui consiste à déduire sa position de sa route et de la distance parcourue depuis la dernière position connue.
Etalinguer : Fixer un câble ou une chaîne à l'organeau d'une ancre.
Fuir : Allure d'un navire courant au vent arrière par gros temps .
Laiser porter : manœuvrer le navire de manière à écarter le voilier de l'axe du vent.
Lofer : Venir au vent, diriger le gouvernail et manoeuvrer les voiles pour que l'axe du navire fasse un angle moins ouvert avec la direction du vent qui souffle.
Mettre à la cape : Régler son cap et sa vitesse par rapport au vent. Lorsque le navire est à la cape, le vent arrive par le travers, la vitesse est réduite ou limitée à la dérive due au vent.
Oeuvres-mortes : partie du navire située au-dessus de la ligne de flottaison, au dessus de l'eau.. Les oeuvres-vives sont les parties immergées d'un navire.
Perroquets : Le perroquet est une voile carrée supérieure au hunier qui se trouve sur le mât de perroquet
Pouillouse : Voile aurique en très forte toile qu'on n'envergue que dans le mauvais temps.
Quart : C'est en général le temps de service sur le pont et dans la mâture. Les quarts sont de six heures. Ici il s'agit de Rumbs de vent c'est à dire un angle de 11°15'.
Rabanter : c'est fixer un objet à son poste ou à l'endroit de sa destination avec une tresse, un filin, un ruban, de peu de longueur appelé raban.
Ralingue : Renfort situer sur le bord d'attaque des voiles. "Voile en ralingue", voile sans prise au vent. Cordage cousu autour d'une voile pour la renforcer.
Ris : Portion d'une voile dans le sens de sa largeur, percée d'oeils où l'on passe des garcettes. Les ris sont destinés à être pris ou serrés pour diminuer la surface de voile.
Roue de gouvernail : sorte de volant qui sert aux timoniers à actionner la barre du navire.
Serre-bosse : Fort cordage qui tient une ancre soulevée en travers par une de ses pattes entre le bossoir où elle est suspendue et le porte hauban.
Soulager du ton : diminuer l'effet du vent soit en orientant la voilure différemment soit en changeant le cap.
Le commandant d’Oysonville fait preuve d’un grand courage : il harangue ses hommes paniqués, leur interdit de quitter le bord avant que ne soit trouvé un moyen sûr d’abandonner le navire et menace d’exécuter les récalcitrants. Il fait tirer quatre coups de canon pour ameuter les villageois. Témoin du drame, le consul britannique, Petros Mavromatis, évoque "des vagues monstrueuses". Un second-maître d’équipage, Guigoux, accepte malgré cela de tenter de rejoindre la terre à la nage pour chercher du secours. Il y parvient, mais la tempête est trop brutale pour mettre des caïques à la mer. Le commandant ordonne alors de lancer des filins attachés à des barils vides, en espérant que le vent les pousse vers la côte pour qu’on puisse tracter le navire. L’idée échoue, comme la tentative d’un officier, Maisonneuve, de tirer un câble avec un canot.
Finalement, la grande chaloupe est mise à la mer au prix d’énormes efforts. Elle emmène environ 120 hommes, mais se casse en accostant. Des radeaux de fortune en sauvent chacun une soixantaine d’autres. Et un pêcheur grec héroïque réussit à faire quatre allers et retours avec son caïque, sauvant ainsi une centaine de matelots de plus. Les quelque 150 derniers marins devront leur salut, le 17 décembre, au retour subit du beau temps. L’agent consulaire Condilly (Nicolas Kondylis) coordonne efficacement l’aide aux naufragés : la France le remerciera en le nommant à vie.
Hormis le marin écrasé par la chute du mât de beaupré, seules huit victimes sont à déplorer, toutes noyées pour avoir tenté de s’en sortir par leurs propres moyens. Les neuf corps sont enterrés près de la rive, au cap Delphini. Ce sont :
On met la semaine à profit pour repêcher six petits canons, au prix de gros efforts. Puis, le 26, l’équipage, tambour en tête, gagne Naoussa où l’attend depuis la veille le "Ville-de-Marseille".
Le Duquesne, vaisseau de 3ème rang, commandé par M. Casy, capitaine de vaisseau, est parti de Nauplie le 29 décembre 1833, et arrivé à Toulon le 24 janvier 1834 ; il ramène 277 marins provenant du vaisseau le Superbe. L’Iphigénie, frégate de 1er rang, commandée par M. de Châteauville, capitaine de vaisseau, et à bord de laquelle flotte le pavillon de M. le contre-amiral baron Hugon, est partie de Nauplie le 29 décembre 1833, et arrivé à Toulon le 26 janvier 1834 ; elle ramène 169 marins provenant du vaisseau le Superbe. La Galatée, frégate de 3ème rang, commandée par M. Harmand, capitaine de frégate, est partie de Nauplie le 29 décembre, et arrivée à Toulon le 28 janvier ; elle ramène 150 marins provenant du Superbe.
A Paros, un détachement de trente-deux marins français, sous la conduite de Jean de Burgare, a été affecté à la garde de l’épave jusqu’à l’arrivée d’une équipe de renflouement. Celle-ci sera sur place à Pâques 1834, avec la corvette de charge "La Meuse", commandée par le capitaine Jacquinot, qui éprouvera beaucoup de difficultés à mettre son bateau en place au milieu des récifs, avant de remonter des canons, des ancres et divers matériels.
"Nous avions été expédié de Toulon pour porter des vivres à la station du Levant, et faire, à Parakia, le sauvetage du vaisseau le Superbe... Nous prîmes pour l'Archipel un pilote grec d'une grande réputation, et nous partîmes pour Smyrme, afin de prendre les ordres de M. de Lalande, commandant de la station du Levant...Après la catastrophe du Superbe, M. de Lalande était venu lui-même à Parakia avec le pilote grec Georges et avait avec lui sondé la rade dans tous les sens. Il avait même fait sortir et rentrer le brick "Navarin", appartenant à un négociant français M. Bertrand, et frété pour le sauvetage du Superbe...
Ce fut par une joile matinée d'avril 1834, que nous appareillâmes de Smyrne pour la rade de Parakia, devant laquelle nous arrivâmes le lendemain de façon à pouvoir y entrer le soir... Nous mettons ainsi le cap droit à la ville qui donne son nom à la rade et nous nous échouons de l'avant à l'arrière en nous creusant sur notre aire, un lit dans un fond de sable te de vase parsemé de roches de marbre. L'avant reste soulagée de plusieurs pieds, et l'arrière, soulevée par la houle, talonna avec force... Nous étions en perdition vis à vis le Superbe dont la longue carcasse, coulées de l'autre coté de la rade, nous regardait à fleur d'eau de son avant, comme un présage de mort...
Le naufrage du Superbe avait déjà répandu l'abondance dans l'île de Paros, qui s'était enrichie des dépouille du vaisseau. Dans la capitale, le pauvre et sale village de Parakia, on avait établi des magasins pour déposer les objets de sauvetage, commencé par la corvette la "Cornelie", et qui, ayant attirée des navires, avait occasionné un petit commerce de toute espèce. Les habitants nous volaient et nous pillaient à qui mieux mieux, avec une adresse héréditaire et véritablement incroyable...
La Meuse accosta donc et élongea le coté tribord du Superbe qui se trouvait en avant et à très peu de distance d'un îlot de marbre, sur lequel nous établîmes un énorme cabestan retenu par des câbles et des grelins saisis aux trous et aspérités du rocher, et dont le dormant et le retour était sur le Superbe...
Nous chargeâmes sur la Meuse, non seulement les canons du Superbe, mais nous prîmes cette ancre qui avait été mouillée sans commandement, et qui causa la perte de vaisseau qu'on croyait avoir chassé dessus et être ainsi allé à la côte. mais en la levant, nous découvrîmes, ce qui était resté ignoré jusque là, que l'organeau avait été rompu, et que le navire, n'étant plus retenu par rien, avait été alors jété nécessairement par le vent sur les récifs...
C'étaient des Grecs qui plongeaient pour saisir les objets de sauvetage, et, par une mer paisible, il était curieux de suivre leurs mouvements au milieu de tout un dédale de pont, d'entrepont, de cales, d'écoutilles où ils disparaissaient si long-temps quelquefois qu'ils nous remplissaient d'inquiétude, mais ils reparaissaient bientôt avec une incroyable agilité..."
Anthenor de Caligny, lieutenant de vaisseau
1. Anvers devint sous l'Empire l'un des principaux centres de constructions maritimes en raison de sa situation géographique par rapport à l'Angleterre et des ses facilités de communication avec l'Europe centrale.
2. André-Charles Théodore Du Pont d’Aubevoye : Comte puis marquis d’Oysonville était issu d'une des plus anciennes famille de Tourraine et d'Anjou dont les ancètres figurent à la première croisade. né en 1784, il était le fils d'Henri-Charles Comte d’Oysonville, nom qu'il tenait de sa mère Claude-geneviève de Briçonnet marquise d'Oysonville et de la Roussière, dernière descendante de la branche ainée. Marin de grande valeur, il fit les campagnes de Martinique, de Guadeloupe. Après le naufrage du Superbe, il est fait commandeur de la Légion d’Honneur, restera en service dix années encore. Il s’éteindra à Paris en 1862, il repose au cimetière du Père Lachaise dans la 22e division.
3. Vice Amiral Hugon : Gaud Amable HUGON, baron, voit le jour à Granville en 1783. Il s’engagea comme mousse à douze ans sur un bâtiment de l’État. Il est promu Lieutenant de vaisseau en 1810, capitaine de frégate en 1819, gouverneur de Gorée en 1823, capitaine de vaisseau en 1825, il se distingua à la bataille de Navarin, et reçut la direction des navires de transport lors de l’expédition contre Alger en 1830. On le nomma contre-amiral en 1831 et, à la tête de l’escadre de Toulon, il purgea l’Archipel de la Mer Égée des pirates qui l’infestaient. Ce fut lui qu’on envoya en 1840 dans les eaux de Constantinople, afin de contre-balancer l’influence de l’Angleterre et de la Russie. Nommé bientôt après vice-amiral, puis membre du Conseil d’Amirauté, il ne s’occupa plus que de travaux d’organisation, et prit une part importante à la formation de la marine à vapeur. Il entra au Sénat en 1852. Le vice amiral Hugon est décédé à Paris en 1862
4. Guerre d'indépendance grecque : La France, qui a décidé en 1828, sous l’impulsion du baron Tupinier, directeur des Ports et Arsenaux, de porter ses forces navales à 40 vaisseaux et 50 frégates, dont la moitié à flot et l’autre sur cale, en profite pour réaffirmer son rôle en Méditerranée orientale et déploie l’Escadre du Levant, à Nauplie et à Smyrne notamment, pour y protéger les intérêts français. En Grèce, l’assassinat de Capodistria, le 9 octobre 1831, par des partisans d’une faction rivale, est l’occasion pour les puissances d’imposer une monarchie absolue et de placer Othon de Bavière sur le trône. En 1833 Le jeune roi arrive à Nauplie, la capitale, le 6 février 1833. En mars, les Turcs doivent évacuer l’Acropole, occupée depuis six ans, et les Grecs transfèrent leur capitale à Athènes. Le même mois, Mahmûd II signe un accord avec les Egyptiens, à l’insu du tsar, qui réagit vivement et menace de retirer ses navires des détroits. Le sultan plie et confirme les accords d’Andrinople. Furieux, les Egyptiens repartent à l’assaut des Ottomans. Ils exigent la soumission de Smyrne, qui fait allégeance. Les Anglais et les Français négocient pour qu’il n’y ait pas occupation militaire et envoient des vaisseaux pour s’interposer si les Russes descendaient de Constantinople. C’est la mission du Superbe , "éventuellement appelé à agir avec vigueur". Mais la raison l’emporte, les armes se taisent, et le commandant d’Oysonville a le temps de rédiger à bord un mémoire détaillé sur les "améliorations à introduire dans l’équipement des bâtiments de l’Etat". Jusqu’à ce que vienne l’hiver…
5. Neptune : L'essor de la cartographie en France s'est réellement produit durant les dernières années du XVIIe siècle. Les ambitions de louis XIV ont amené un éveil de la pensée scientifique. Après la création de l'Observatoire de Paris en 1667 dont la direction fut confiée par Colbert à Jean-Dominique Cassini, une campagne pionnière de relevés par triangulation eut lieu sur les côtes de France et les résultats parurent dans un recueil de cartes marines appelé le Neptune François publié en 1693 par Hubert Jaillot et Jean Dominique Cassini à l'imprimerie royale. Ces cartes étaient de très belle facture (échelle de l'ordre d'1/100 000 en moyenne). Elles employaient la projection de Mercator. Ce sont principalement Joseph Sauveur (1653-1716) et Jean-Mathieu de Chazelles (1657-1710), cartographes de leur état, qui ont réalisé la cartographie du Neptune. Ils se sont appuyés sur les travaux préliminaires des astronomes Jean Picard (1620-1682) et Philippe de La Hire (1640-1718) qui ont mené une campagne d'observation astronomique sur les côtes françaises et sur les travaux issus des campagnes, de triangulation et de relevés topographiques, entamées notamment par les ingénieurs géographes du roi comme Denis de La Voye ou La Favolière. A sa sortie le "Neptune François" est premier atlas français entièrement dédié à la marine. Les français surent maintenir leur place dans la fabrication des cartes marines durant tout le XVIIIe siècle, grâce notamment à la fondation en 1720 du Dépôt de la Marine , qui deviendra en 1886 le Service Hydrographique de la Marine puis le SHOM. Une première révision du "Neptune François" eut lieu en 1753 sous l'autorité de Jacques Nicolas Bellin, et de nombreuses cartes des autres parties du monde furent également ajoutées à l'ouvrage. La seconde révision du Neptune date de 1773.