Le S.N.A. 7
S.N.A. 7, cargo, 2679 brt, 1 977 tjb ; 1 363 net ; construit par le chantier Osbourne, Graham & C° Ltd, à Sunderland, Grande-Bretagne et lancé le 13 mars 1922, pour le compte de la Société Nationale d'Affrêtement.
C'est un navire un peu particilier : un "corrugated ship". Le terme "corrugated ship" a été appliqué au S.N.A. 7 et Newton Ash, construits respectivement en 1922 et 1925, La signification du terme "ondulé" n'a pas été facile à établir.
Grâce à Tony Frost, nous pouvons fournir quelques images d'un navire "ondulé", qui donnent une bonne idée de ce à quoi ressemblait un tel navire. Un extrait de données datant de 1925 (Transactions of the Royal Institution of Naval Architects, Vol. 67) qui indique que le navire, conçu par M. Haver, était "un navire extrêmement mauvais". Il roulait beaucoup, d'après ce que j'ai compris, et ses avantages en termes de solidité étaient contrebalancés par ses caractéristiques de "roulement". Un journal de Tasmanie, au sujet de l'Hyltonia, suggérait toutefois que ce modèle offrait "une stabilité accrue en mer et une plus grande stabilité".
"Corrugated ship"
Il mesure 300 pieds de long, 48 de large et 18,1 pieds de creux. Il est propulsé par une machine alternative à triple expansion construite par Richardsons, Westgarth & C° Ltd., de 316 NHP. Il est inscrit au Lloyd's Register en 1930, avec pour port d'immatriculation Rouen.
Rapport du capitaine BLOYET :
Je soussigné Capitaine du Vapeur "S.N.A.7" déclare être parti de Philipppeville le 25 avril 1941 à 18 heures sur lest à destination de Sousse.
Suivant les instructions reçues, fait route dans les eaux territoriales françaises à une vitesse moyenne de 7 nœuds.
Signalé le passage du navire au Sémaphore du Cap Serrat vers 11 heures le 26, et au Sémaphore du Cap Blanc, vers 17 heures 45, le 26. Du Cap Blanc fait route suivant les instructions reçues. Signalé le passage du navire au Sémaphore du Cap Farina vers 22 heures. Diminué de vitesse pour arriver au jour au Cap Bon. Entre 5 heures 45 et 6 heures 15 échangé des signaux avec le Sémaphore du Cap Bon qui me demande l'heure probable d'arrivée à Sousse. Indiqué 7 heures du soir.
Fait route ensuite suivant les instructions reçues. Vers 7 heures à environ 5 milles dans le SE du Cap Bon, je me trouvais dans la chambre des cartes lorsqu'une violente explosion ébranle le navire. Je veux me précipiter sur la passerelle, mais l'échelle a été emportée par l'explosion. Je constate une entrée d'eau énorme dans les cales avant. Je veux alors prendre l'échelle de passerelle de tribord mais je me trouve aveuglé par la vapeur s'échappant des chaudières. L'explosion s'étant produite par le travers des chaufferies. Ne pouvant ni appeler, ni transmettre des ordres vu le bruit intense fait par la vapeur. Me trouvant isolé, je cherche alors à larguer les palans du youyou qui se trouvait près de moi. Je réussis à larguer l'un des palans, au moment où j'allais atteindre l'autre j'ai été projeté à la mer par l'apiquage et la gîte du navire.J'ai nagé pendant quelques secondes sans rien voir dans un nuage de vapeur sortant des chaudières. Lorsque les chaudières ont été englouties j'ai aperçu à 4 ou 5 mètres de moi l'arrière du navire qui s'enfonçait rapidement et presque verticalement.
entre l'explosion et la disparition totale du "S.N.A.7", j'estime qu'il s'est écoulé environ une minute.
Aperçu un radeau où se trouvaient déjà 5 hommes. J'ai nagé dans la direction de ce radeau, au moment de l'atteindre j'ai été gêné par les panneaux de cale. Les hommes qui se trouvaient sur le radeau m'ayant aperçu ont réussi à m'envoyer un bout et à me déhaler sur le radeau. Quelques minutes après nous apercevons 2 hommes sur une épave éloignée de nous de 200 mètres environ.
Nous nous efforçons de nous diriger vers eux en nous servant comme avirons de panneaux de cale, mais la brise assez fraîche du Sud nous éloigne d'eux malgré nos efforts. Le radeau étant plus haut que les épaves dérive plus rapidement sous l'influence du vent.
Peu de temps après nous apercevons 1 homme, puis 3 hommes, sur un deuxième radeau. Ce dernier est éloigné de nous de 3 ou 400 mètres. A partir de ce moment tous nos efforts tendent à diriger la dérive du radeau vers la terre en nous servant de panneaux de cale.
Pendant que nous dérivions sur le radeau nous avons aperçu des orins en fil d'acier d'une longueur de 3 à 6 mètres soutenus par des carrés de liège dans le genre de ceux qu'utilisent les pécheurs pour leurs filets. Ces orins m'ont paru suspects. Nous avons réussi à les contourner.Vers 12 heures 30 nous apercevons un petit chalutier qui se dirige vers nous. Il passe près de nous et nous informe qu'il va recueillir d'abord les 3 hommes du radeau le plus éloigné. Il se dirige ensuite vers les épaves et peu de temps après revient vers nous. Nous montons à bord et j'indique qu'il y a des hommes sur des épaves. Mais l'homme de veille dans la mature du chalutier a nettement distingué une mine à faible profondeur sous l'un des orins décrit plus haut et malgré mes supplications le patron et les hommes du chalutier refusent de retourner vers les épaves. Le chalutier nous ramène à terre. Deux embarcations de pêche à moteur accostent. J'indique à un douanier de faire téléphoner le plus tôt possible à la marine la présence de mines dans les parages du Cap Bon. Je demande à retourner sur le lieu du naufrage avec une des petites embarcations qui ayant un faible tirant d'eau peuvent passer sur les mines.
Le patron du chalutier m'accompagne comme interprète auprès des arabes. Avant d'arriver sur les épaves nous passons sur un des orins de mine. Heureusement le moteur a stoppé rapidement et tout se passe bien. Nous veillons attentivement et évitons plusieurs autres orins. J'ai aperçu nettement une mine à faible profondeur sous l'un des orins.
Nous retrouvons les épaves plus au sud. Le vent ayant changé de direction, les épaves ont dérivé vers le sud. Pendant une heure nous allons d'épaves en épaves, panneaux de cale, cloisons d'appartement, baleinières éventrées, etc… Malheureusement nous ne trouvons plus personne sur les épaves. Nous rejoignons alors le chalutier et nous arrivons à 17 heures 30.A notre arrivée le chalutier fait route sur Kelibia où nous débarquons vers 19 heures, bien accueillis et réconfortés par la population et la gendarmerie locale. Je tiens à remercier en particulier le Capitaine de Gendarmerie qui s'est dépensé pour assurer la nourriture et le logement des survivants du'S.N.A.7' et qui a fait le nécessaire pour notre transport à Tunis.
Tel est mon rapport sincère et véritable que je me réserve le droit d'amplifier si besoin est.
A Tunis, le 30 avril 1941. Le Capitaine : BLOYET.
37° 03' 263' N - 011° 07' 984' E
1. S.N.A : Société Nationale d'Affrêtements, Rouen. La Société exploite les navires de la PLM (faisant partie de l’ex-flotte SNCF ou Chemins de Fer de l’Etat). En 1939, la SNA arme 5 navires : SNA 1, SNA 7, SNA 8, SNA 9 et SNA 10. Les autres navires sont en gérance, ce sont les 14 charbonniers de la Compagnie des Chemins de Fer du PLM, et immatriculés à Rouen.
2. Torpillage : Cela aurait-il pu être l'œuvre du HMS USK. Ce n'est pas impossible, même si le rapport du capitaine atteste bien de la présence d'orins de mines dans la zone du naufrage. Le 24 avril, le torpilleur italien Simone Schiaffino a été miné et coulé sur un champ de mines à environ 7 miles au nord-est du cap Bon et on croyait que le SNA 7 avait été victime d'une de ces mines.
Le HMS Usk était un sous-marin de classe U en service dans la Royal Navy pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est mis sur cale aux chantiers navals Vickers Armstrong, à Barrow-in-Furness le 6 novembre 1939, lancé le 12 octobre 1940 et mis en service le 6 juin 1941. L'Usk fait partie de la 4e Flottille de sous-marins, flottille opérant au large de la Sicile et de la Sardaigne, en renfort des sous-marins français de la 4e Escadre stationnée à Mers-El-Kébir. Le 19 avril 1941, le sous-marin prend la mer pour la côte nord-ouest de la Sicile. Il change de position en raison d'une intense activité anti-sous-marine puis disparait corps et biens. Il a probablement touché une mine à proximité du Cap Bon quelque temps après le 25 avril 1941 ou a été coulé par l'escorte d'un convoi italien en direction de l'Afrique du Nord. Il est déclaré porté disparu avec la totalité de son équipage le 3 mai 1941.
3. Trotobas Jean Marius Joseph, né le 05/07/1914 à Méounes, 83, fils de Ludovic Silvaire et de d'Alexandrine LE TEXIER, cuisinier. Son corps est identifié grâce à sa chevalière :
4. Robert Barragué, né en 1926 à Saint-Laurent de la Salanque, bercé par le bruit de la mer, va succomber à l'appel du large alors qu'adolescent il résidait avec ses parents catalans à Marseille, ville cosmopolite ouverte à tous les voyages, vers là bas, au delà des horizons. D'ailleurs, à sa rêverie, s'ajoutait depuis longtemps le désir d'imiter le père, marin de la Compagnie Fabre. Son père le subjuguait avec ses récits d'aventures sur les mers et les océans sans fins, et dans les pays aux chaudes couleurs. C'était la belle époque des Transatlantiques ! Lorsque la guerre éclate, en 1939, pour des adolescents déjà empreints de volonté d'engagement de soi, ignorants des risques de la vie, négligents, là, ceux de la guerre, c'est tout naturellement que Robert Barragué va suivre l'exemple de son père, enrôlé en 1919 à l'àge de 17 ans. Quand Robert se décide à son tour à embarquer, pour le compte de la Société Nationale d'Armement, il n'a que 15 ans. Il sera mousse. C'est décidé. Nous sommes le 1er avril 1941 à Marseille. Il fait partie de l'équipage du SNA-7. Et le grand voyage tant espéré commence. Heureusement, "Tout va bien !" écrit Robert à ses parents, sur une carte postale expédiée de Philippeville. "On poursuit notre voyage" écrit-il. Le 24 avril, son cargo fait route et dessert divers ports d'Algérie et de Tunisie: Sousse, Sfax, puis double le Cap Bon.
Le 30 avril, le capitaine Bloyet du SNA 7 indique à sa compagnie le nom de 16 disparus dont celui de notre moussaillon Robert Barragué. Selon le témoignage d'un de ses compagnon, Robert a été aperçu lors naufrage en compagnie d'un autre marin accroché à une épave, sans qu'il put être récupéré, du moins dans l'immédiat. La famille gardera longtemps l'espoir de le voir revenir au foyer, ou au moins de le savoir en vie. Il en sera rien.
Le Moussaillon, Texte de Maurice Bataille
5. Bloyet Emile : Né le 2 avril 1893 au village de Trévolo, commune de Rieux (Morbihan). Après son engagement dans la marine, il se rend à Toulon pour embarquer sur le BRENNUS un cuirassé servant de support aux écoles de la Marine.
En 1908 formation en télégraphie sans fil sur le MARCEAU. A obtenu le certificat de Chef de Poste TSF : à Toulon, le 30 juillet 1913. Il fut ensuite nommé à terre au poste de Porquerolles puis au poste de TSF du Mourillon près de Toulon comme chef de poste chargé du laboratoire et des essais de différents modèles d’appareils. Enfin il embarquera sur le CASSARD le 1er janvier 1916. Au Maroc pendant 13 mois puis sur le CLAYMORE, jusqu’au 20 février 1919.
Du 14/11/21 au 03/09/22 il navigue sur le Vapeur ST CAMILLE comme 3° lieutenant TSF. Le certificat pour le brevet de capitaine de la Marine marchande est daté du 20 août 1921. L’autorisation pour s’embarquer sur les navires de commerce français lui est donnée le 15 février 1922 au Havre.
Mariage avec Clémentine Toupin le 17 avril 1926. Ils auront dix enfants, sept garçons et trois filles.
Embarquements en tant que capitaine ou 2ème capitaine : 1922- 1941 : Vapeurs ST CAMILLE, CAP LOPEZ, ST AMBROISE, ST CYRILLE, ST MICHEL, ST OCTAVE, ST PROSPER, FLOREAL, JURA, FEZ, PLM15, PLM12, PLM16, PLM13, PLM20, PLM21, PLM23, PLM14, PLM17, puis le SNA7.
Après le naufrage du SNA7 retour à Saint Quay Portrieux. Il occupera son temps en accompagnant à la pêche Mr Leroux, propriétaire d’un petit bateau, le Jeanne Triché.
Embarquements après le naufrage: 1941 – 1948 : SNA 9, ST MARIN, STE GERMAINE, PLM24, PLM17, SNA8, SNA10, Alençon, Bruay, Neuchatel.
Essais à St Nazaire 1956 – 1959 : LEBIR, ONDALIEN, EASTERN GULF (*), POLARGLIMT (*), WESTLAND, ENCORA. En 1954, ayant définitivement posé son sac a terre, il se décide à acheter un petit bateau de pêche côtière. A la suite d’un coup de froid il sera hospitalisé et décèdera le 19 avril 1983.
Ordre du Mérite Maritime |
Emile Boyet (copyright Maryvonne Meurzec) |
(*) EASTERN GULF - IMO 5096042 |
(*) POLARGLIMT - IMO 5280796 |