Titre de La Dépêche de Brest, le 18 août 1909
SEIRAK-BAT, cargo 2129 brt, 1288 net, lancé le 17 avril 1890 pour la Buenos Ayres Great Southern Raiway Co., Ltd (A.Holland), Londres sous le nom de TANDIL n° officiel 98111 par les chantiers de Sir Raylton Dixon & Co., à Middlesbrough. il est propulsé par un moteur à triple cylindres (21", 35"3/16 & 57"-39"), fabriqué par la North Eastern Marine Engineering Co. Ltd., de Sunderland, d'une puissance de 202 NHP. Il mesure 277 pieds de lond, pour un maître baud de 39 pieds et une profondeur de 18,2 pieds.
Il est vendu en 1900 à l'armement espagnol Aznar & Co. de Bilbao
C'est un cargo vraquier qui transporte du charbon de l'Angleterre vers Bilbao et du minerai de fer de Bilbao vers les ports anglais.
Le Tandil, futur Seirak-Bat
Le plus grand mystère continue à régner sur les circonstances du naufrage que nous avons relaté hier. On ignore toujours le nom du vapeur qui s'est perdu corps et biens au sud d'Armen, près de l'île de Sein. Voici quelques nouveaux détails que nous avons pu recueillir sur ce sinistre. Mercredi matin, vers sept heures, la barque de pêche SANTEZ-MARIE, de l'île de Sein, croisait dans les parages d'Armen. La mer était grosse, le vent soufflait en tempête, et les pêcheurs, devant ce déchaînement des éléments, prenaient leurs dispositions pour rentrer au port. Tout à coup, ils aperçurent le drapeau noir hissé au phare d'Armen. Le drapeau noir ! Vision sinistre, qui signifie qu'un naufrage vient de se produire. Dans le coeur des braves pêcheurs, aucune hésitation; il y a peut-être des vies à sauver : la mer et le vent ne sont plus rien ; ce qu'il faut avant tout, c'est courir sur les lieux de l'événement et tâcher, s'il est encore temps, de sauver son prochain.
Le Santez-Marie essaya de se rapprocher du phare, pour obtenir quelques renseignements des gardiens. Mais il faisait trop mauvais pour sortir le tableau. C'est, en effet, au moyen d'une planchette, peinte en noir, sur laquelle ils écrivent en gros caractères ce qu'ils veulent faire connaître que les gardiens d'Ar-Men, exilés pour ainsi dire, correspondent avec les bateaux qui passent à proximité. Ils la mettent sur la couronne du phare, et le pêcheur ou le bateau des ponts et chaussées qui passe lit leur message et le transmet aux autorités à son retour à l'île. Mais il leur fut impossible de l'utiliser mercredi matin, car, à chaque instant, la couronne du phare, pourtant bien haute, était balayée par les embruns, qui déferlaient avec violence. Cependant, par signes, ils purent indiquer au Santez-Marie la direction approximative des lieux du naufrage, et même, détail poignant, l'équipage du bateau pêcheur crut deviner, par les gestes des gardiens, que ceux-ci voulaient leur faire savoir qu'ils apercevaient des hommes nageant vers la terre. Nos vaillants pêcheurs n'hésitent pas. Hardi les gas, et en avant. Et ils mettent le cap dans la direction indiquée. Mais hélas ! à ce moment, la tempête semble redoubler, les rafales couchent le petit navire, pendant que les paquets de mer s'abattent sur son pont. La lutte devient impossible; à chaque instant, le Santez-Marie menace de chavirer ou de couler sur les roches environnantes, et c'est le dépit, la tristesse et la rage au coeur que les braves pêcheurs doivent s'incliner devant cette lutte inégale. Il n'y a plus qu'une chose à faire, c'est de rentrer à l'île, et d'informer le bateau de sauvetage de l'événement.
Aussitôt le sinistre annoncé par le "Santez Marie", le canot desauvetage "Amiral Barrera" fut mis à l'eau. La mer était démontée, parages où le sinistre s'était produit sans découvrir aucun naufragé. Le sous-patron Thymeur, voyant ses efforts inutiles, vira de bord pour regagner l'île. En approchant de la côte, il aperçut tout à coup deux hommes à dix mètres l'un de l'autre. Il se dirigea vivement sur eux et put les recueillir. Hélas ! ils avaient cessé de vivre.
A 5 heures du soir, l'"Amiral Barrera", après s'être vaillamment comporté dans une mer en furie et des courants d'une violence extrême, rentrait au port avec son équipage trempé jusqu'aux os et exténué de fatigue.
Le Fresnel, bateau baliseur des ponts et chaussées, est justement mouillé à proximité. Mis au courant de la situation, l'actif capitaine du Fresnel, M. Parantoine, donne l'ordre aussitôt à son chef mécanicien, M. Caër, de pousser les feux, et, à dix heures, le petit steamer fait route à toute vitesse sur Armen. Vers onze heures, il croisait devant le phare. Toute la matinée et une partie de l'après-midi, le Fresnel parcourut la chaussée, la terrible chaussée, celle qui ne rend jamais ce qu'elle prend. Mais, rien ! Pas un canot, pas un radeau avec quelques survivants !
Seulement des épaves, attestant la réalité du sinistre, pieds de tables, portes de cabines, planches de parquet et de cloison se suivaient en file dans le courant et, détail particulier, beaucoup de ces épaves étaient fortement déchiquetées, comme si elles avaient été arrachées violemment de l'endroit où elles se trouvaient, ce qui pourrait faire croire que les chaudières ont dû exploser. Après avoir parcouru en tous sens les abords d'Armen, le Fresnel, ne voyant rien, tenta, avant de repartir, de se rapprocher du phare, pour attraper la bouteille cachetée contenant un rapport que les gardiens ont l'habitude de remettre au bateau qui passe, quand toutefois il peut saisir cet objet. Car, hélas 1e tableau noir, bouteille cachetée, nous en sommes encore là, à notre siècle de civilisation et de progrès, qui connnaît pourtant la télégraphie sans fil et le téléphone ! Le Fresnel ne put, à cause de l'état de la mer, approcher du phare; c'est le bateau de sauvetage de l'île de Sein qui sera chargé d'aller prendre, quand le temps le permettra, la bouteille contenant le rapport des gardiens sur le naufrage.
Le Fresnel rentra donc au port sans avoir pu recueillir aucun indice sur l'équipage et sur le navire. Pendant que le Fresnel inspectait toute la Chaussée, le canot de sauvetage, armé de son vaillant équipage, réussissait à découvrir les deux cadavres dont nous avons parlé hier et qu'il rapporta immédiatement à l'île de Sein. Comme l'un d'eux ne paraissait avoir séjourné que très peu de temps dans l'eau, le médecin militaire de l'île essaya, vainement, avec le plus grand dévouement, de le ramener à la vie. Hier soir, le canot ramenait un troisième cadavre. Comme nous l'avons dit, l'un des corps portait une ceinture de sauvetage avec l'inscription "primert maquinista", ce qui veut dire, en espagnol, premier mécanicien. On suppose donc que cette bouée appartenait au premier mécanicien, qui s'en est revêtu au moment du naufrage. Cette bouée portait également le nom de Bilbao. De plus, l'un des naufragés avait en poche un billet de banque de 50 pesetas et un talon de mandat-poste de Bilbao. Devant ces indices, on croit être en présence d'un grand vapeur espagnol dont on ignore toujours le nom et dont les circonstances du naufrage restent encore mystérieuses. Les corps ont été déposés dans l'Abri du Marin, en attendant l'inhumation."
Le 20 août on apprend enfin le nom du navire naufragé : SEIRAK-BAT. On est maintenant certain que le vapeur espagnol qui s'est perdu au sud du phare d'Armen, dans la nuit de mardi à mercredi, est le Seirak-Bat, du port de Bilbao. On a, en effet, trouvé, hier, dans la baie de Douarnenez, une baleinière de sauvetage ayant l'étrave complètement enlevée et un tableau de canot portant le nom de Seirak-Bat. On lit aussi, à l'arrière de la baleinière: Seirek-Bilbao. Les pêcheurs ont également recueilli un mât de charge de dix mètres de longueur, cinq panneaux de cabine et des débris de planches. D'autre part, on télégraphie de l'île de Sein qu'un quatrième cadavre a été recueilli au large.
C'est par la presse espagnol que l'on va enfin savoir l'ampleur du drame :
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El Día de Madrid (24/8/1909, page 3 |
Capitaine : M. José MENDIVIL - Premier pilote : Capitaine, M. Eusebio DE URIOSTE - Premier mécanicien : M. Nazario LLANTADA - Second mécanicien : M. José OZAMIZ - Steward : M. José ZABALBURU - Second du maître d'équipage : Manuel TEJEIRO - Marins : Manuel LAGO - Juan Antonio MARTINEZ - Nicolás PEREZ - Tristán ALONSO - Mousses : Manuel OLIVEIRA - José VAZQUEZ - Chauffeurs : Agustín MONASTERIO - Lucio ECHEVARRIA - Vicente ABAJAS - Bartolomé SEGURA - Paleros : Agustín MUÑOZ, Manuel GERMADE - Assistant machine : Escolástico URIAGUERENA - Cuisinier : Damiano OLARZA - Serveurs : Antonio POZINO - Alfonso ARAS - Maître d'équipage : Manuel ORBE.
Le Seirak était assurée auprès de certaines compagnies d'assurance françaises. Il est à espérer que des nouvelles inattendues annonceront le sauvetage de l'équipage, dont la plupart sont des voisins de ce port. <br>Le premier mécanicien, M. Nazario Llantada, s'était marié dans un port de Biscaye en juin, et le premier pilote, le capitaine D. Eusebio de Urioste, pensait le faire en octobre prochain avec une illustre dame professeur d'une des écoles de cette ville."
1.La Société Centrale des Naufragés, décerne à la station de l'île de Sein, le prix Adelson Cousin et remet au patron Thymeur la médaille d'or Gonzague Durand De Beauregard. (En 1898, Mme Cousin, à Toulon a fait l'inscription de 600 fr. de rente française 3%, pour décerner, chaque année, et en mémoire de son mari, M. le Commissaire général de la Marine Adelson Cousin, un prix à l'équipage d'un canot de sauvetage qui se sera brillament comporté.)