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Date de mise à jour : 30/10/2017 (60 nouvelles épaves, 41 mises à jour)

S/S SAINT MALO
ex UDNY CASTLE (1924), ex CONNEMARA (1928)

(1921-1929)

FrancePavillon compagnie

Barfleur
Tempête, le 27 février 1929

Saint-Malo
Le S/S SAINT MALO échoué

Caractéristiques

SAINT MALO, cargo contruit par Rose Street Foundry & Engineering Co, Inverness (yard 43) et lancé en août 1921, sous le nom de UDNY CASTLE pour Mitchell & Rae, Newburgh, pavillon anglais.

Il est vendu en 1924 à Limerick SS Co qui le renomme CONNEMARA.

Il passe en 1928 sous le pavillon français de compagnie de Transit et de Transports du Havre.

C'est un vapeur de 436 Tonneaux, mesurant 45,7 x 8,9 mètres (157' x 29'6 x 9'6), deux hélices, machine à triple expansion . (10", 16" & 27"-18"), fabriquée par le chantier et développant 87 RHP.

Lacement Undy Castle
Lancement du Undy Castle (Iverness Ref. Library)

Le naufrage

Ce vapeur fait le service entre le Havre et Cherbourg pour la Compagnie de Transit et de Transports du Havre. Il appareille de Cherbourg le 27 février 1929 sous les ordres du capitaine Quintrec avec dix hommes d'équipage et un mousse.

Déclaration du capitaine Quintrec :

"Le brouillard était si épais au moment où, le Saint-Malo sortait du bassin de commerce que j’ai stoppé pendant trois quarts d’heure sur rade, en attendant une éclaircie.
Celle-ci ayant semblé être venue, je suis reparti, mais au large, le brouillard était si intense qu’on n’y voyait pas à 150 mètres devant soi. Nous continuâmes notre route péniblement et nous crûmes apercevoir le feu de Barfleur. A ce moment la mer était si démontée que le Saint-Malo pris de travers par les éléments et le vent n’avançait plus et bientôt ne gouverna plus.
Où étions-nous exactement ? Personne n’aurait pu le dire.
En tout cas, que nous ayons heurté une épave ou une tête de roche, une voie d’eau se produisit et il nous fut impossible de l’aveugler. Nous fîmes tous nos efforts, mais en vain, et c’est alors que voyant tout perdu et nous nous réfugiâmes au hasard sans avoir le temps de sauver quoi que ce soit.
C’est ainsi que je me trouvais dans le même canot que mon second, alors que dans l’autre qui prirent place le maître d’équipage Ruellan, des chauffeurs et des cuisiniers. Nous avons quitté le Saint-Malo qui je crois est coulé et en tout cas hors d’état d’être renfloué, quand nous perdîmes de vue le second canot qui gagnait vers l’ouest.
Le maître d’équipage Ruelland connait parfaitement la côte et j’ai confiance que sous sa direction nos camarades réussiront à se tirer d’affaire. Pour nous, nous devons en grande partie d’avoir été sauvés au fait que par hasard, un bout de voile se trouvait dans notre canot. Nous avons réussi à tendre ce bout de voile tant bien que mal et c’est à lui que nous devons en grande partie d’être à terre ce soir…"

La seconde chaloupe n’arrivera hélas jamais. Elle sera trouvée plus tard près de Jardeheu. A son bord se trouvaient le matelot vannetais Joseph Puren et ses camarades Augustin Jacob, Victor Ruellan, Louis Nicol, Louis Gélard et Alphonse Caillon.

Les occupants du premier canot étaient : le capitaine Quintrec, les matelots : Claude Marie, Jean Pasquiou, François Le Marrec, Julien Dollo et le mousse Jean Soyer. Julien Dollo succombera à son débarquement.

Le Procès

Le capitaine du cargo havrais poursuivi pour négligence pour avoir occasionné, par négligence la perte de son navire. L'avoir abandonné sans avoir organisé le sauvetage de l'équipage; sans avoir pris les. papiers du bord ; avoir quitté son bord alors. qu'il restait encore des hommes, telle est la terrible prévention qui pèse sur les épaules du capitaine François Quintric. âgé de 39 ans, qui commandait le cargo Saint-Malo, de la Société Havraise de Transport et de Transit, quand ce navire se perdit en allant de Cherbourg au Havre.

Les détails de cette tragédie de la tempête sont dans toutes les mémoires. Parti dans la nuit, après que son capitaine eut longuement hésité, le Saint-Malo heurta successivement deux roches aux abords de Barfleur, s'éventra, s'emplit d'eau, et fut bientôt hors d'état de naviguer, ses chaudières ayant été noyées. Le capitaine n'aurait pas apprécié exactement la distance parcourue par son navire. Il aurait, par son manque d'autorité, provoqué un certain affolement à bord en ne donnant pas les ordres convenables ou en ne réussissant pas à se faire comprendre de ses hommes. Il donna notamment à l'équipage l'ordre d'embarquer dans la baleinière de bâbord, supposant, à tort, celle de tribord avariée!. Puis, il laissa partir cette dernière avec six hommes.
Fait important: les deux officiers de pont (capitaine et second), se trouvaient dans l'embarcation de bâbord. Il est à supposer, dit l'accusation, que, si un officier s'était trouvé dans chaque embarcation, comme il est de règle, les deux canots se seraient suivis, ce qui n'a' pas eu lieu. Toutefois, ajoutons-que l'ordre avait été donné aux six hommes de l'embarcation de tribord de suivre celle où se trouvaient les officiers. Ils n'y parvinrent malheureusement pas. Le rapport d'enquête ajoute : "On peut se demander si la mort de ces six hommes ne fut pas la conséquence de ce fait". En tout cas, les prescriptions réglementaires, en usage dans toutes les marines, faisaient obligation, au capitaine de quitter son navire le dernier. Enfin le capitaine Quintric a eu le temps matériel de sauver tous les papiers du bord, notamment le journal du bord, ce qu'il n'a pas fait, se. contentant d'emporter les connaissements et l'acte de francisation.

Le capitaine François Quintric, né le 3 novembre 1890, à Crozon (Finistère), est inscrit à Carmaret. Il habite Le Havre. Il n'a pu reprendre d'embarquement depuis que l'affreuse tempête a englouti son navire et causé la mort de sept de ses hommes: un mort de froid en arrivant à la Saline, les six autres se perdirent parmi les brisants de La Hague, tandis que leur esquif se fracassait contre une roche.

Les chefs d'accusation :

On entend M. le commissaire en chef Lerouge, administrateur de l'Inscription Maritime, qui expose au Tribunal les fautes que le prévenu a commises. Le bateau, retardé par la brume, a fait route à 10 heures 15 pour Le Havre, par des routes diverses. Les feux étaient à peine visibles. La brise écarta d'abord le navire de la côte, puis changea et augmenta. Vers 1 heure du matin, elle donnait en plein sur le bateau qu'elle retardait. Sans la houle et la brise, le navire eût pu profiter du courant de flot et doubler Barfleur. Le capitaine a pu mésestimer la force du vent. A partir de minuit. le navire eut contre lui le vent et le jusant. Il dut rester sur place étalant la mer. On ne voyait aucun feu.
À 3 heures 45. le capitaine aperçut le feu de Gatteville. Il voulut changer de route. Dix minutes plus tard, te bateau touchait sur les rochers. Le gouvernail se coinça. Le navire essaya de revenir sur Cherbourg.
Les cales étaient envahies par l'eau. A 6 heures, i! fallut l'abandonner. A ce moment. le capitaine semble avoir manqué d'autorité. L'évacuation s'est faite en pagaïe. Et M. Lerouge rappelle la mise à la mer des baleinières. Il y a eu affolement du capitaine. Les hommes se sont jetés dans les embarcations, sans ordre, et ont failli le laisser seul sur le bateau. Il est descendu dans le premier canot qu'il a vu à sa portée, après être allé constater, une dernière fois, l'état des .machines. Le maître, d'équipage., qui se trouvait dans la seconde embarcation, n'a pas suivi la première embarcation, contrairement à l'ordre qu'il avait reçu. C'est à ce fait qu'on doit d'avoir perdu la baleinière avec ses six hommes. Le capitaine n'a pas emporté ses papiers : c'est péché véniel.

M. le Président donne lecture des rapports des experts techniques. Au moment où l'évacuation a été faite, elle ne s'imposait.pas absolument; le navire a tenu la mer encore une. heure et demie. Quintric est un jeune navigateur breton. II parle d'abord lentement. L'interrogeant M.Le Président Wallet lui fait observer la gravité des faits.

- "N'êtes-vous pas parti un-peu trop tôt? demande M. Le Président.
Assez, sèchement, le capitaine répond : "Tout le monde m'a abandonné. J'allais rester seul à bord. Tout le monde s'est sauvé dans les embarcations".
- Pourquoi êtes-vous parti de Cherbourg?
- "Il a eu une altercation avec mon second avant le départ. Le temps était bouché. J'ai mouillé. Puis il y a eu une éclaircie. Je suis sorti dans l'avantage de mon armateur. J'ai toujours agi ainsi. Mon armateur n'a rien a me reprocher".
- "Il ne fallait pas partir!"
- "Si l'on peut me-prouver que j'ai mal agi. ce sera bien drôle!"

Le réquisitoire :

M. le substitut Donnart prononce un réquisitoire modéré. Il donne lecture des chefs d'accusation.
Si l'on s'en rapporté aux experts, les motifs de la prévention sont certains. Le capitaine Quintric a causé la perte de son navire, abandonné son navire, et n'a pas organisé te sauvetage dé ses hommes.

- "Vous condamnerez: sur ces chefs d'inculpation. Mais pour appliquer, la pénalité a intervenir, il faut penser à l'affreuse soirée au cours de laquelle le naufrage s'est produit." ...
- "Je demande, au Tribunal d'apprécier humainement les choses humaines, et d'appliquer au capitaine Quintric les plus larges circonstances atténuantes".

Maître Michel, défenseur du capitaine", Quintric remercie le représentant du Ministère Public, de ses déclarations qui sont "celles d'un homme, qui, connaît l'esprit et le cœur des marins bretons. Maître Michel montre la vie des marins à bord du Saint-Malo. Le second et le chef mécanicien avaient leurs responsabilités. Le capitaine Quintric n'est pas extrêmement, compétent en mécanique. II devait s'en rapporter à son chef mécanicien: Il n'avait pas, dans ses deux collaborateurs, une confiance absolue. Il avait demandé, avant le départ, à ce qu'ils fussent relevés. L'armateur malheureusement donnait raison aux deux subordonnés du commandant. Le navire est-parti avec eux.
Le chef mécanicien avait assuré que la pression de la machine permettait le départ. Le voyagé fut rendu difficile par la brume. Scientifiquement. il ne pouvait déterminer exactement quelle était la marche de son navire. Il lui fallait naviguer à l'estime. Pensant faire 6 nœuds et se trouver à Barfleur .à minuit avant que le courant se trouvât renversé. Hélas les indications du chef mécanicien étaient inexactes:- Il n'avait pas maintenu sa pression à 12 kilos. Le navire faisait 3 ou 4 nœuds au lieu de 9. Le .capitaine questionna le second mécanicien : "Ça val répondit ce dernier". Non rassuré, le capitaine descendit et constata au manomètre de la chaudière que celle-ci ne donnait que 8 kilos de pression. Il était 2 heures du matin. Le capitaine se croyait au loin, à l'Est, il était encore en vue de Barfleur.
C'est alors que le courant de jusant se fit sentir. Le navire en butte à un courant de 6 nœuds, allait en arrière. Quelque peu effrayé, le capitaine vit à droite le feu de Barfleur. Plus de doute ses prévisions se réalisaient. Le navire n'avait pas franchi, sa distance normale. Le capitaine donna l'ordre de rectifier la marche du Saint-Malo.
Le bateau, trop près de la côte, ayant dérivé, alla talonner, à 4 h 10 et à 4 h 15, sur les récifs des Equets. Il n'y avait pas encore péril sur le navire. Le bateau était dans une situation difficile, mais non désespérée. Mais le gouvernail avait subi une avarie, d'où l'impossibilité de virer de bord. Et le navire avait le courant contre lui. Il arriva ce que l'on sait : l'eau envahit la chaudière. Le capitaine ne songeait pas à abandonner son cargo, il voulait le sauver. Il avait des gens à bord, plus impatients de s'en aller. Le second et le maître d'équipage descendirent les embarcations. Le second annonça que l'embarcation de tribord était inutilisable. "Alors tout le monde descendra dans la baleinière de bâbord!" dit le capitaine.
A ce moment les choses se gâtaient dans la chaudière. L'eau montait rapidement. Le navire, qui était drossé par le courant, mal gouverné s'en alla vers le Nord-Est offrant son flanc au jusant. La situation était, dès lors, critique. Le capitaine descendit dans sa cabine pour chercher ses papiers et remonta pour donner tes ordres d'évacuation. Pendant son absence, une scène de désordre s'était passée sur la pont. Stupéfaction du capitaine Quintric. Au lieu d'aider le capitaine le second et le chef mécanicien ont donné le signal de la fuite. Fallait-il sortir un revolver pour remettre de l'ordre parmi cette panique ? Quintric, voyant son navire abandonné, n'a plus songé qu'à rejoindre ses hommes. Le Saint-Malo inclinait à gauche. La baleinière de gauche était engagée et inaccessible. Il réussit à y sauter pour faire la manœuvre qui devait sauver ses hommes. Sur un grand navire, une telle manœuvre n'eût pas eu à être exécutée. Sur un petit cargo, il n'y a pas de consigne "abandon".
Des hommes ont sauté dans la baleinière où se trouvait le capitaine. D'autres ont, mis l'autre chaloupe à l'eau et s'y sont embarqués avec le maître d'équipage, qui s'est montré insubordonné et a cru sauver cinq; marins avec lui.. Hélas! ils devaient disparaître tous les six !
Le capitaine Quintric a sauvé ce qu'il a pu prendre de papiers. Il a perdu ses papiers personnels, ses certificats. Le capitaine Quintric a 38 ans. Il voyage depuis neuf ans et demi . II fut mousse sur des bateaux de pêche, fit la guerre sous les ordres de l'amiral Guépratte aux Dardanelles. Il a suivi, après la guerre, le cours de capitaine au cabotage et a été employé par plusieurs compagnies. C'est un homme d'honneur, un serviteur modeste mais fidèle. Il est marié, appartient à une famille de marins. Maître Michel demandé au Tribunal de lui faire une application généreuse et bienveillante de la loi.

Le Tribunal, estimant que les faits sont établis, condamne te prévenu à 500 francs d'amende avec sursis.

Position

Carte du Naufrage

Zone : 49 01 40 - Nord Cotentin
Latitude : 49° 43',0000 N - longitude : 001° 18,0000 W (approximative)

Notes

1. Rose Street Foundry & Engineering Co : compagnie fondée en 1872, la Northern Agricultural Implement & Foundry Co. Ltd. produisait dans de nombreux domaines : fonderie et production d'acier, construction de ponts, fabrication de navires, de moteurs et enginerie à Inverness dans les Highland. En 1885, la compagnie change de nom et devient la Rose Street Foundry & Engineering Co puis en 1945 la Resistance Welder Ltd. , la Al Welder Ltd en 1962 avant de redevenir la Rose Street Engineering Ltd en 1985.

2. Compagnie de Transit et de Transports du Havre : Au début de l'année 1964, l'Union Industrielle et Maritime prenait une participation majoritaire dans la Société Havraise de Transports et de Transit. en rachetant les actions de la Société Navale Delmas Vielgeux. Elle rachète les 3 unités qui assuraient une liaison entre les ports de la manche et du Maroc. L'une est revendue aussitôt, les deux autres "Belval" et "Bruneval" continuent leur service sur le Maroc, bénéficiant d'ailleurs d'une partie des exportations de pâtes à papier portugaises. Les autres unités de la nouvelle filiale havraise englobent les opérations de consignation et de transit. Cette Société créée en 1913, au capital de 150000 anciens francs sous le nom de Société de Remorquage de Remorquage et de Transports par Chalands et Allèges de Mer, avait été gérée jusqu'en 1959 par le groupe des Abeilles. Elle possédait depuis 1935 une filiale, la Société Cherbougeoise de Cabotage et de Transports Routiers, qui pratiquait le cabotage entre les ports de la Manche sous la direction du Commandant Hamon. C'est cette filiale, absorbée en 1961, qui est à l'origine de l'activité principale de la S.H.T.M., à savoir : l'Armement. Cette Société est en effet à la fois Armateur et Agent maritime, forme d'organisation assez rare dans les ports français, la plupart des armements étant généralement installés à PARIS. A côté du service Armement, existent donc les services classiques d'une agence maritime : consignation, transit, manutention, commitage, etc.

Sources

Miramar Ship Index, R.B. Hawthorn ; Répertoire des naufrages au large du Cotentin - 1687 à 2000, par Henri Yon ; Le Nouvelliste du Morbihan (01/03/1929) ; Inverness Courier (Tuesday, 24 May 1921) ; National Register of Archives Scotland (NRA (Scot)/2566) ; Association French Lines ;