ROUZIC, trois-mâts goélette terreneuvier, lancé sous le nom de DONALD & KEITH par le chantier Wesport Shipbuilding, White Cove Nova Scotia, en 1918. Il jauge 276 tonneaux et mesure 120 x 29,7 x 11 pieds.
Il est acheté par Potet-Lamare & Co., Saint-Servan et armé à Saint-Pierre & Miquelon. Il est racheté par Les Armements français coloniaux de Bordeaux, mais reste inscrit à Saint-Servan.
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C'est encore un épouvantable drame de la mer qui est à enregistrer: le trois mâts morutier ROUZIC, de la société "Les Armements français - coloniaux", jaugeant 290 tonneaux, construit en 1919 ayant Saint-Servan comme port d'armement, parti de Saint-Malo le 9 mars dernier pour les bancs de Terre-Neuve a sombré en plein Atlantique et mille craintes se font jour que les deux-tiers de l'équipage aient péri engloutis dans une mer démontée.
Voici les conditions dans lesquelles le naufrage fut connu et comment on apprit le sauvetage des onze premiers rescapés dont on souhaite qu'ils ne seront pas les seuls, des navires croisant sur les lieux probables de la catastrophe notamment le contre-torpilleur "Lion" Samedi à 13 h. 30, le poste Ouessant-Radio interceptait un sans fil du cargo anglais Deerpool (5167 brt, Sir R. Ropner & Co. Ltd. (Pool Shipping), West Hartlepool), qui était ainsi traduit : "Le 9 avril, à 10 h. 30 (heure de Greenwich), par 47° 08 lat Nord, et 8° 28' long. Ouest, ont été sauvés quatre hommes nommés: Joseph Lehoerff, Henri Simon, Gustave Clément et Raphaël Sable, faisant partie de l'équipage de la goélette française Rouzic qui a sombré à la suite du mauvais temps par 45° 58' lat Nord, 6° 53' long. Ouest. Huit autres doris montés par 25 hommes manquent. Le trois-mâts goélette Rouzic allait de Saint-Malo à Saint-Pierre et Miquelon. Je me rends à Cardiff avec les survivants".
Cette nouvelle, connue dans la soirée, à Saint-Malo et Saint-Servan y causait une véritable stupeur et, de tous côtés on vint aux renseignements, à la Cie d'armement car l'équipage se composait de Malouins, de Servannais, de Cancalais et d'autres marins des environs. C'est dans un état lamentable, épuisés de fatigue, que le Deerpool avait recueilli les naufragés qui, soignés, réconfortés, purent enfin expliquer que le Rouzic, commandé par le capitaine Célestin Girard, était fort éprouvé par la tempête. Sa mâture était endommagée et une voie d'eau s'était déclarée dans la coque. Il dérivait depuis le 24 mars.
Il se trouvait Jeudi dernier, 7 avril par 45° 58' de latitude nord et 9° 53' de longitude ouest, lorsqu'il sombra. L'équipage, composé de 29 hommes, prit place dans neuf doris, qui partirent an gré des flots. Dès que le gouvernement eut été averti de la catastrophe, M. Piétri, ministre de la Défense nationale, donna ordre qu'un contre-torpilleur se rendit sur les lieux du naufrage et le Lion appareilla aussitôt.
Le contre-torpilleur Lion et le cargo SS Camerata
Chercher dans l'océan immense des coquilles de noix telles que sont les doris était se fier pour beaucoup au hasard. Cependant, dimanche matin, à 8 h. 15, un sans fil partait du Lion : "Avons trouvé doris n°2 du Rouzic, vide à 130 milles de Brest. Ses occupants ont, très malheureusement, été enlevés par les vagues. Dimanche matin, deux radios étaient captés à Ouessant qui transmettait : "Ouessant-Radio, le vapeur anglais Samnager (4.276 BRT, Westfal-Larsen & Co. A/S, Bergen) a recueilli, à 10 h. 10 du matin, par 47° 48' de latitude N. et 7° 15' de longitude W, trois hommes du Rouzic qui, étaient dans un doris. Ce sont: Théophile Cahue, place de la Liberté; Coeuré Louis, rue Viclor-Hugo et Gautier Georges, rue du Port-Briac, tous de Cancale."
Puis un autre sans-fil : "Le vapeur anglais Camerata (3723 BRT, La Tunisienne Steam Navigation Co., Swansea), par latitude N. 48° et long, W 7° 50 a recueilli à 10 h 30, quatre hommes du doris n° 14 du Rouzic. Ils se nomment Guemenon, les frères Juin et le quatrième a le prénom d'Yves. Les quatre rescapés, épuisés de fatigue, n'ont pu être interrogés plus longuement, ni sur leur identité. ni sur les causes du naufrage"
Dimanche également, le cargo anglais Brompton Manor (ex HERO, Ex HORSEFERRY, 1828 brt, H. A. Barbey, Tonking) a signalé avoir rencontré un doris voguant seul sans personne à bord; encore des naufragés certains. Jeudi soir, à 20 heures 30, le steamer anglais Denis, de la Booth Line, est arrivé au Havre, ayant à bord quatre naufragés du Rouzic : Yves-Marie Le Fers, 41 ans, Charles-Marie Gueneron, 18 ans, tous deux inscrits à Saint- Malo, et Victor Juin, 45 ans, et Jean-Marie Juin, 39 ans, tous deux inscrits à Cancale, qui avaient été recueillis, le 10 avril, après être restés deux jours dans leur doris, par le steamer anglais : Camerata, de Swansea.
Le SS Brompton Manor et le SS Deerpool
Le SS Viking
"Une bonne nouvelle est parvenue à Saint-Malo où le commandant du port a reçu le télégramme suivant de Corcubion (Espagne). Le vapeur Congoslar, est arrivé hier matin à Corcubion, près de la Corogne ayant recueilli quatre naufragés du terre-neuvier Rouzic par 47°10' de latitude Nord et 7° 10' longitude Ouest, point qui se trouve à environ 130 milles dans le Nord-Est' du lieu du naufrage. On suppose que le Congoslar, n'est pas muni de la T.S.F. puisqu'il a attendu d'avoir touché terre pour faire connaître son sauvetage. Ce navire n'ayant pas indiqué le jour et l'heure du sauvetage, on en reste aux hypothèses. En admettant qu'il ait marché 8 noeuds et qu'il soit arrivé mardi matin à 8 heures, à Corcubion, le sauvetage aurait eu lieu dimanche 10 avril, vers midi. Ce détail est important pour la direction des recherches effectuées par les bâtiments de guerre. Voici l'identité des naufragés recueillis par le Congoslar : Emile Elric, de Saint-Père-Marc-en-Poulet ; André Rault, d'Hirel ; Célestin Derrien, de Saint-Servan et François Cadiou, de Pommerit-le Vicomte. Jusqu'ici quinze hommes du Rouzic sur les 29 de l'équipage ont donc été sauvés et il n'est pas impossible que d'autres aient été recueillis à bord de navires sans T.S.F."
Onze rescapés du voilier Rouzic, parmi lesquels se trouve le capitaine du navire, ont été débarqués mercredi à Porto, du vapeur danois Viking (Ex Taygeta, 1271 brt, Aabenraa Rederi-Aktieselskab. (P. F. Cleemann, Aabenraa). Voici les noms : Célestin Gérard, capitaine, Désiré Clouet, Françis Riou, Pierre Trédar (ortographe peu sûre), Pierre Moriniaux, Théophile Gazeugel, François Horel, Jean-Marie Bouteiller, Alphonse Loblet, Hippolyte Allain, François Renaud.
Tous sont en bonne santé et partent aujourd'hui vers la France par voie ferrée. De ce fait, 26 membres de l'équipage, soit la presque totalité, sont saufs.
La composition de l'équipage du Rouzic : Girard Célestin, capitaine, Cancale – Quéré, deuxième capitaine, Cancale - Clouet Désiré, saleur, Cancale - Lehoëry Joseph (recueilli), lieutenant, Saint- Servan - Simon Henri (recueilli), lieutenant, Cancale - Riou Francis, patron de doris, Cancale - Horel François, patron de doris, Cancale - Loblet Alphonse, patron de doris. Cancale - Bouteiller Jean-Marie, Paramé - Juin Victor, Brouolan - Juin Jean-Marie, Brouolan - Derrien Célestin, Saint-Servan - Cadiou François, Pommerit-le-Vicomte - Derrien Théodore, Saint- Servan - Arnaillent Charles, Saint-Servan - Cohut Théophile, Cancale - Moriniaux Pierre, Cancale - Tredan Pierre, Cancale - Gazeugel Théophile, Cancale - Lefers Yves, Saint-Père-Mare-en-Poulet - Biot Raphaël. Cancale - Allain Hyppolyte, Cancale - Sablé Raphaël (recueilli), Bagner - Renaud François, Saint-Méloir des-Ondes - Rault André, Cancale - Clément Gustave (recueilli), Cancale - Gautier Georges, La Verrie, Cancale, mousse - Guemenon Charles, Saint. Pierre-de-Plesguen, novice. Soit 39 hommes."
Le capitaine Gérard a fait les déclarations suivantes : "Lors de la tempête du 24 mars, le navire a été assailli par une lame énorme qui a écrasé l'avant, emportant tous les objets qui s'y trouvaient arrachant même la mâture. Gravement endommagé, le navire faisant eau de toutes part et l'équipage luttant à bord du navire disloqué a connu treize jours de détresse. Pendant ce laps de temps, plusieurs navires ont été aperçus, auxquels nous avons fait des signaux qui n'ont pu être interprétés. Le 7 avril, n'ayant plus de lest dans la cale et l'eau montant toujours, nous avons dû abandonner le bâtiment sur huit doris munis de vivres."
"Le premier jour, nous avons perdu de vue un des doris ; le soir, deux vapeurs sont passés près de nous, et, malgré tous les signaux que nous leur avons faits, aucun d'eux n'a stoppé. Le deuxième jour, trois doris seulement entourent le mien. Le troisième jour, à 5 heures du matin, nous sommes sauvés (trois doris et onze hommes) par le vapeur danois Viking faisant route vers Leixoes. Nous sommes heureux de signaler la façon toute bienveillante dont nous avons été traités par le commandant du navire sauveteur et si le Viking n'a pu signaler plus tôt la nouvelle, c'est faute d'être pourvu, d'un poste de T.S.F. Au moment du sauvetage, la position du Viking était de 47° 15' de latitude Nord, 7° 14' de longitude Ouest à 80 milles à peu près d'Ouessant."
1. Les Armements français coloniaux (1923), créé par la branche bayonnaise de la famille Legasse à Bordeaux. Le nouvel armement achète trois voiliers : Bassilour, Stella-Matutina, à Saint-Pierre et Miquelon, et Rouzic, qui lui a été acheté à l'armement Potet-Lamare & Co., de Saint-Servan et reste inscrit à Saint-Servan.
2. Le capitaine Célestin Girard résumait le métier de terreneuvas par une formule : "Hale, boëtte et tends, et mon ami René Leux, patron de doris, refusait le terme de bagne à propos des bancs, car il y avait gagné sa vie, et mis sa famille hors du besoin. Au-delà de l'extrême dureté de la vie des terre-neuvas, J'me sentais un homme m'a dit un jour l'un d'entre eux."
3. Doris : Le doris est une embarcation d'origine américaine, en bois à fond plat, de longueur hors-tout 5 à 6 mètres, propulsée à l'aviron ou à la voile. C'est vers 1877, que les navires de Fécamp, Granville et Saint-Malo, commencèrent à utiliser des doris américains pour la pêche sur le grand banc, avec salaison à bord. L'emploi du doris se généralisa et le doris fut adopté par tous les armateurs français. Leur conception permettait de les empiler pour les stocker sur le pont du navire menant la campagne.
Doris