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Date de mise à jour : 30/10/2017 (60 nouvelles épaves, 41 mises à jour)

PENZÉ
Cargo minéralier

(1948-1957)

Pavillon S.N.C.France

Cap Finistère
Abordage avec le MV ILE DE LA REUNION, le 21 septembre 1957

Penzé
MV PENZE

Caractéristiques

PENZE, cargo, construit au Canada par les chantiers Burrard Dry Dock Co., North Vancouver (yard 262) pour le Gouvernement français et mis en service en août 1948 pour la Compagnie Nantaise des Chargeurs de l'Ouest.

Il mesure 119.98 mètres de long pour une largeur de 15,8 mètres et un creux de 9.29 mètres. Il jauge 5435 tonneaux brut et 2796 net. Il est propulsé par une turbine à vapeur construite par John Iglis & Co. à Toronto, développant 2900 Cv, qui lui donne une vitesse de 13 noeuds.

Penzé

Penzé

Le Penzé

Iron Knight sister ship du Penzé

Le naufrage

Le 21 septembre 1957, alors qu'il accomplissait un trajet de Vigo à Cardiff avec une cargaison de minerai, il est percuté par cargo français ILE DE LA REUNION (6589 brt, Nouvelle Cie Havraise Peninsulaire de Navigation). L'équipage du PENZE est sauvé par le cargo français KATIOLA.

Il y a une victime : le chef mécanicien M. LE MEUR.

Ile de la Reunion
MV ILE DE LA REUNION

Témoignage de M. Maxime Thomas, chauffeur à bord du Penzé :

"Il me faudrait des pages pour parler du PENZE. Grosses émotions grosse peur, la plus grosse de ma vie sûrement et puis la chance. Mon heure n'était pas arrivée ! Je dois être un des rares survivants depuis ce samedi matin 19 septembre 1957, deux jours avant le drame du PAMYR voilier école allemand. Comment c'est passé ce naufrage ! Le Penzé n'avait pas de radar donc on marchait à la corne de brume, pour mieux entendre les autres bateaux qui eux aussi marchaient à la corne de brume. Le commandant avait fait stopper la machine (turbine) donc on n'avançait plus. Sur tribord arrivait l'ILE DE LA REUNION. A quelques milles l'officier de quart aperçoit l'écho du Penzé dans sa ligne foi (radar) puis cet officier se dit : "pas de problème dans 3 milles ça passe", sans se douter qu'on était stoppé. Au tribunal on a reproché au commandant du Penzé d'avoir arrêté son navire. Nous n'étions plus manoeuvrables.

A 9h40 je remontais de la machine, depuis ma cabine par le hublot j'aperçois à un demi-mille de l'étrave blanche de l'autre navire qui nous fonçait droit dessus. J'ai dit à mon collègue de cabine qui était encore dans sa bannette "barres toi !". Le temps de prendre mon briquet et mes cigarettes (hum !), je sors dans la coursive et là dix mètres devant moi je vois la couchette du maître d'hôtel exploser dans la coursive (j'ai oublié le bruit que cela faisait). Les tuyaux de vapeur d'eau et autres qui crachaient, pour ajouter à la panique (là vous voyez la mort de très près peur de mourir coincé comme un rat pris au piège des tôles écrasées. C'est ce qui est arrivé au chef mécanicien en voulant sauver quelques affaires personnelles : il est rentré dans sa cabine et est sans doute mort écrasé dans la collision. Il a coulé avec le Penzé, Monsieur LE MEUR (ça ne s'invente pas, un nom prédestiné !).

J'ai appris voici un mois, que le maître d'hôtel du Penzé, Fernand Blin, se porte comme un charme, âgé de 87 ans, il coule une retraite heureuse à Saint-Malo. Nous avons pu discuter du naufrage du Penzé. Il a eu une chance inouïe de ne pas être dans sa cabine (j'ai vu sa couchette exploser dans la coursive), il m'a dit après le choc, qu'on y voyait le ciel et la mer! Fernand Blin avait perdu son oeil droit à l'âge de trois ans, mais il a pu quand même naviguer grâce à un concourt de circonstances.

Longtemps après, j'ai vu, à Marseille, L'ile de la Réunion à quai. On voyait les tôles sur l'étrave qui avaient été changées. Notre commandant M. JEGO a gardé jusqu'à la fin de sa vie, les regrets et les remords, se sentant responsable de la disparition de son chef mécanicien. Je dois être hypersensible, en me relisant j'éprouve encore de l'émotion! En 1957, j'avais 23 ans, j'en aurai 80 dans 2 mois. Le Penzé était un navire très solide de coque. Si cela c'était passé avec un Liberty-ship, il aurait cassé en deux sous le choc et votre narrateur ne serait plus là. L'étrave du Ville de la Réunion a tout arraché sur tribord du Penzé jusqu'à la cheminée. Il faut dire qu'il marchait plein pot, c'est à dire 20 noeuds. Nous avons été recueillis par le KATIOLA (3), un bananier des Chargeurs Réunis. Le Penzé a coulé trois heures après le choc. Les cales avant se sont remplies et il s'est dressé à la verticale et a coulé en 3 secondes (comme dans les films de guerre). On a entendu les chaudières exploser. On a marqué une minute de silence pour le chef disparu. Deux mois après, je réembarquais cette fois avec un bateau équipé d'un radar, mais la peur au ventre quand même.


A.D. 44 (7 R 4 / 1324 f° 25)

Le nom PENZE n'a jamais été réutilisé comme nom de baptême pour un navire c'est une tradition.
J'ai parlé de la responsabilité du commandant du Penzé. Celle du commandant de l'Ile de la Réunion aussi était engagée. Normalement en temps de brume, il doit y avoir un matelot, voire deux matelots de veille sur les ailerons de la passerelle. L'officier de quart après le contrôle du radar est retourné dans la chambre à cartes faire des corrections de cartes. Lui aussi porte une grosse responsabilité et qui plus est dans un endroit comme le Cap Finistère où la circulation des bateaux est intense et les gens à la passerelle doivent être très vigilants. A bord du Penzé tous ceux qui ont vu l'abordage inévitable ce sont sauvés coté bâbord. Le chef mécano aussi a vu comme les autres mais il a cru avoir le temps de sauver quelques papiers. Entre le moment où on a aperçu l'Ile de la Réunion et le moment du choc, il s'est passé moins de 30 secondes ça va très vite, ça fait 250 mètres à 20 noeuds. Bonne chose pour nous l'angle d'abordage était 45 degrés sur tribord avant. L'Ile de la Réunion a ripé sur notre flanc tribord après nous être carrément monté dessus, puis il a disparu dans la brume pour panser ses plaies. On nous a dit qu'il avait failli couler lui aussi avec des passagers à bord (c'était un cargo mixte, ça ne se fait plus maintenant je crois). J'étais embarqué comme chauffeur avec des chaudières très difficiles à conduire.
Mon copain de cabine n'a pas vu sa retraite. Il est mort au Japon au cours d'un embarquement quelques années plus tard. Il se nommait Maurice Brisset de Noirmoutier. On peut maitriser sa vie, pas son destin.
Je voudrais juste ajouter ceci. Le Penzé a mis 3 heures avant de couler brutalement. La voie d'eau dans la cale 2 était sans doute importante, mais dans le compartiment machine à l'aide de pompes, on pouvait retarder le remplissage et remettre la machine en route et faire cap vers la côte espagnole. Seulement voilà le seul qui pouvait faire cela avec sang froid, du moins je le pense, c'était le chef mécanicien et lui seul était victime.
Autre chose le Penzé n'a pas coulé par 250 mètres de fond, mais par 2000 mètres.

PS : "J'ai perdu aussi un beau-frère aux iles Scilly sur un langoustinier. Cinq marins y sont restés pour
cause de méconnaissances de navigation. Là aussi, le destin avec des signes et des comportements pré –annonceurs de catastrophe.
Merci de m'avoir fait parler. J'habite près de DINAN, mais je suis né à Sauzon, Belle-Ile-en-mer".

Cordialement, signé : Maxime Thomas

M. Maxime Thomas

Notes

1. Compagnie Nantaise des Chargeurs de l'Ouest : Avant 1938, la Compagnie nantaise de navigation à vapeur est détenue par la Compagnie générale transatlantique et par les Chargeurs de l'Ouest. En 1938, la Compagnie Générale Transatlantique cède les parts qu'elle possède dans la Compagnie Nantaise de Navigation à Vapeur. Cette dernière est complètement absorbée par les Chargeurs de l'Ouest. Cette nouvelle compagnie devient la Compagnie Nantaise des Chargeurs de l'Ouest. En 1968, la Nouvelle Compagnie Havraise Péninsulaire (anciennement Compagnie Havraise Péninsulaire de Navigation à Vapeur qui elle même succédait aux Lignes Eugène Grosos) absorbe la Compagnie Nantaise des Chargeurs de l'Ouest. Elle en devient une filiale et prend le nom de Société Nantaise des Chargeurs de l'Ouest.

2. ILE DE LA REUNION, cargo à passagers, lancé le 28 octobre 1949, par le chantier danois Odense Staalskibsværft, Odense, 6589 BRT, 8770 DWT, pour la Nouvelle Compagnie Havraise Péninsulaire de Navigation. En 1968, il est rallongé et porté à 8827 BRT. Il est vendu en 1972 à la Astroprimo Armadora SA, Panama et prend le nom d'ASTREE. Puis en 1974, il passe à la Paloma Segunda SA, pavillon grec au Pirée. En 1976, il est acheté par la Gulf Sg Lines Ltd, Sharjah(United Arab Emirates) et prend le nom de GULF MAJESTY, pavillon . En 1979, il est racheté par la Alvidah Sg SA, Panama sous le nom de GURU ANGADH, N° IMO 5158711. Il s’échoue le 20 septembre 1979 à Belawan et il est détruit le 16 avril 1980 à Kaohsiung.

3. KATIOLA, cargo lancé en 1935, à La Seyne sur Mer pour Les Chargeurs Réunis, 3891 grt, longueur 102,0 m. En novembre 1940, il est désarmé à Buenos Aires. Il est renommé en juillet 1943, RIO LUJUAN après saisie par le gouvernement argentin. En juin 1946, il est restitué à ses propriétaires et reprend le nom de KATIOLA. Il sauve l’équipage du cargo français PENZÉ qui coule au large du Cap Finisterre à la suite d’un abordage avec l’ILE DE LA REUNION. En 1958, il prend le nom d’OCEAN REEFER, pavillon libérien pour la Reefer Transport Inc., Morovia. Le 21 décembre 1962, il est gravement endommagé par un incendie, à Buenos Aires.. Il est démoli en février 1966 à Barcelone.

Katiola
Cargo Katiola

Sources

Lloyd's Register (1951) ; Photo National Museum Wales (Hansen Shipping Photographic Collection N° 2447/2494) ; Merci à M. MaximeThomas, chauffeur à bord du Penzé pour son témoignage ; A.D 76 (193 J Ateliers et chantiers du Havre, f°145) ; Bureau Veritas Registre 1953 ; A.D. 44 (7 R 4 / 1324 f° 25).