Le Néréé
Nérée (1), cargo contruit aux Ateliers et Chantiers de Bretagne, La Prairie-au-Duc, Nantes pour la Société Navale Caennaise (S.N.C.) (2). Ce vraquier (2174 BRT, 3187 DWT), est lancé le 21 avril 1954.
C'est un navire, bon rouleur, résolument moderne pour 1954. A tel point que le novice effectuait le quart de 4/8 et 16/20 avec le second capitaine, rentabilité oblige. Une série de quatre fut construite pour desservir le port de Flixborough sur la Humber, en amont de Grimsby, pour éviter en rivière.
Le Nérée sur cale (Photo MHT, Nantes) |
Le lancement du Nérée (Photo MHT, Nantes) |
Il mesure 81.2 mètres de long et 13.3 mètres de maître baud. Il est propulsé par un moteur diésel six cylindres, 4 Temps, suralimenté d'une puissance de 1500 CV, fabriqué par MAN (Maschinenfabrik Augsburg-Nürnberg).
Le 10 octobre 1965, il appareille de Swansea avec 24 hommes d'équipage sous le commandement du capitaine Roger Thomas, à destination de Caen avec un chargement de houille. Dans la nuit, sa cargaison se désarrime et donne de la gîte au cargo. Le capitaine se déroute sur Cherbourg et demande l'assitance d'un pilote et d'un remorqueur.
Voici le récit fait par le journal LE MARIN du 15 octobre 1965
"Un drame aussi rapide qu'imprévu s'est déroulé dans la nuit de dimanche à lundi dernier, au large de Cherbourg. Il a fait 4 morts (6 orphelins), et il y a 2 disparus et 19 rescapés. Au départ, un banal incident de mer. Après avoir effectué un chargement de charbon à Swansea, le cargo Nérée, de la Société Navale Caennaise, rejoignait son port d'attache dimanche. Il se trouvait à environ une dizaine de milles de Cherbourg lorsque son commandant, M. Roger Thomas, un Breton de Plouha, dans les Côtes-du-Nord, se rendit compte que sa cargaison était désarrimée. Il prit la décision de gagner le port et demanda l'assistance d'un remorqueur. Il était alors 21 h.
A ce moment, la situation était loin d'être alarmante. Elle devait rapidement le devenir lorsque un panneau de eale se trouva défoncé par des paquets de mer, car si la nuit était belle, le vent soufflait en Manche et des creux de 3 à 4 mètres rendaient la navigation difficile. Avec la rentrée d'eau qui s'était déclarée, le cargo prenait de plus en plus de bande et sa gite s'accentuait.
Peu avant minuit, Radio-Boulogne captait un message plus alarmant du radio de bord, le bateau éprouvant de plus en plus de difficultés à manoeuvrer. Il s'écoulait peu de temps avant que le Nérée soit en panne de moteur, une fuite d'huile en étant à l'origine.
Son concours ayant été sollicité pour l'entrée du cargo, le remorqueur CHERBOURGEOIS V se trouvait depuis 23 heures dans les passes. Il attendait l'arrivée du Nérèe pour le conduire dans le port. A quelque 9 milles de là, la situation se détériorait, le drame se nouait Le commandant Thomas qui réalisait l'état critique de son bateau, lançait des fusées d'alarme, fusées qui étaient aperçues par le caboteur hollandais LEEMANS qui faisait route vers Honfleur. Une fois de plus, la solidarité des gens de mer allait jouer. Le commandant du LEEMANS venait se placer derrière le Nérée, prêt à toute éventualité. Cette précaution n'allait pas être inutile quelques instants plus tard
Sur le cargo, la gite s'accentuait de minute en minute. Tout l'équipage était sur le pont. Le commandant fit mettre un canot à la mer et 5 hommes y prirent place. A peine étaient-ils a bord que le Nérée chavirait. Une minute avant, le radio avait eu le temps de lancer un S.O.S. Tous les membres de l'équipage se retrouvèrent à l'eau, certains sans avoir su comment.
Le LEEMANS qui avait assisté à la tragédie, recueillait aussitôt lès cinq naufragés qui se trouvaient sur le canot de sauvetage.
Le Néréé
Bien avant que le S.O.S. ne soit lancé, M. Couderc, Administrateur en chef de l'inscription Maritime, avait pris toutes dispositions pour intervenir De son côté, à une heure, le CHERBOURGEOIS V (4) et le bateau-pilote du port quittaient la passe de l'Ouest et se dirigeaient vers la position indiquée par Radio-Boulogne. Un peu plus tard, la Marine Nationale faisait appareiller le dragueur Algol et le remorqueur Le Lutteur avec une équipe médicale. Enfin, dès le S.O.S capté, les canots de sauvetage des stations de Barfleur et Goury étaient mis à la mer pour participer aux recherches des naufragés.
Soutenus par leurs brassières de sauvetage, les naufragés dérivaient au fil de l'eau, certains étaient accrochés à des épaves. Tous étaient aux prises avec le froid, l'angoisse, l'obscurité.
Au moment où le Nérée coulait, le CHERBOURGEOIS V était à peu près à un mille de lui. Plus tard, M Leterrier, le pilote, devait nous dire : "Nous apercevions les lumières du cargo. Nous espérions arriver à temps puis tout à coup les lumières ont disparu. Nous nous sommes livrés à une course contre la montre. Guidés par les appels au secours, nous avons fouillé la mer avec nos projecteurs et les uns après les autres, nous avons aggripé onze naufragés dont certains étaient dans un état d'épuisement total. Les deux derniers que nous avons repêchés ne donnaient plus signe de vie. Nous avons tout tenté et notamment la respiration artificielle sur les deux corps inanimés, en vain, hélas !
De son côté, le bateau-pilote cherchait inlassablement aussi les naufragés. Il devait en recueillir sept, mais là encore, deux d'entre eux n'avaient pu supporter le séjour prolongé dans l'eau et étaient morts noyés.
A bord des bateaux qui les avaient secourus, les 19 rescapés de cette dramatique nuit, qui étaient transis, furent réconfortés. A 6 h 30, le CHERBOURGEOIS V et le bateau-pilote venaient s'amarrer, le premier à l'estacade du car-ferry, le second dans l'avant-port. A bord d'ambulances, les naufragés étaient conduits à l'Hôpital Pasteur où deux d'entre eux, le mécanicien Jacques Hue et l'aide-cuisinier Marcel Biz en recevaient des soins en raison des blessures qu'ils avalent. Les corps des quatre victimes de ce naufrage étaient déposés à la morgue où M. Le Floch, inspecteur de l'Armement, devait les reconnaître plus tard.
Les recherches des disparus se poursuivaient. Elles ne devaient, hélas ! donner aucun résultat. Vers 15 heures, les cinq membres de l'équipage qui avaient été recueillis par le caboteur LEEMANS, débarquaient à Ouistreham où Ils étaient aussitôt accueillis par les représentants de la S.N.C.
Pendant ce temps, les familles qui avalent été prévenues arrivaient à Cherbourg dès la fin de la matinée. Dans la soirée du même jour, tous les rescapés quittaient l'hôpital, à l'exception des deux blessés. Tous sans doute se souviendront de cette triste nuit du 10 au 11 octobre et l'un d'eux en particulier, Louis Daniel, le garçon de bord. C'était son anniversaire ! Il est en effet né le 11 octobre 1930 à Cancale. Dès lundi soir, une Commission d'enquête s'est ouverte au siège de l'inscription Maritime. Elle était présidée par M. Couderc, Administrateur en Chef de l'inscription Maritime, et comprenait M. Oheix, Inspecteur à la Navigation, et M. Croizy, ancien pilote et capitaine au long cours, quelles en seront ses conclusions ? Nous les ignorions à l'heure où nous écrivions ces lignes."
Signé : A. LEMESLE (Le Marin)
M.V. Leemans |
Remorqueur Cherbourgeois V |
1. Nérée. : Dans la mythologie grecque, Nérée (en grec ancien Νηρεύς / Nêreús, de νέειν / néein, « nager ») est un dieu marin primitif, surnommé le "vieillard de la Mer". Il est le fils aîné de Pontos (le Flot) et de Gaïa (la Terre), le mari de l’Océanide Doris et le père des cinquante Néréides. Il réside dans les eaux de la mer Égée.
2. S.N.C. : La famille Lamy exerçait, depuis la fin du XIXème siècle, les métiers de négociants en charbons et d'armateurs de navires. D'autres familles caennaises avaient les mêmes activités et c'est certainement en considérant qu'une gestion plus harmonieuse de leurs différentes unités serait favorable au développement de ces activités que ces différents négociants en charbons constituèrent en janvier 1903 une nouvelle société en commandite dénommée "SOCIETE NAVALE CAENNAISE, "G. Lamy et Cie" avec l'apport des navires: l'ACTIF appartenant à René et Georges Lamy, le CHANZY, appartenant à P. Allainguillaume & Cie. Il fut décidé de donner aux futures unités le nom d'un personnage de la mythologie grecque, le premier à inaugurer la série fut baptisé THISBEE. Monsieur Gaston Lamy était le gérant de l'affaire, il resta à la barre jusqu'à son décès en aout 1951. C'est à lui qu'on doit le démarrage réel des activités maritimes et le développement initial de la Navale Caennaise. Le siège social et les bureaux de la société étaient Quai Caffarelli, sur le bassin Saint Pierre, alors centre nerveux du port de Caen. Il y restera jusqu'en 1938.
3. M.S. LEEMANS : caboteur de type Gladdek, lancé le 28 janvier 1956 par les chantiers Voorwaarts à Hoogezand/Martenshoek, pour W.H.James, Rotterdam. 496 tonnes Brt, 844 tonnes Dwt. Longueur 58.03 mètres, baud 9.37 et creux 3.70. propulsé par un diésel de 650 pk. Il sera vendu en 1970 en Italie et prendra le nom d'AMPELOS.
4. CHERBOURGEOIS N°5 : Remorqueur 357 brt, lancé le 10 juillet 1952, par les chantiers Normand du Havre