MORILD I (HDNK), 1354 brt, 826 nrt, 1720 t.dw. Il est lancé en novembre 1883 sous le nom de M'GAREL, n° officiel 89506 par le chantier (1) Smith's Dock Co. Ltd. (T. & W. Smith) , North Shields (Yard 87).
Il mesure 242.7 x 34.3 x 17.5 pieds et il est propulsé par un moteur 2 cylindres compound inversé de 168 NHP, construit parWallsend Slipway, Newcastle. Il est armé en 1885 par M'Garel SS Co. Ltd. (Scrutton, Sons & Co.), Londres.
Il est vendu en 1896 à D/S A/S Ragnhild (Lund & Gjertsen), Kristiania qui le nomme RAGNHILD, puis mis à disposition en 1903 de Erling Lund, Kristiania. En avril 1915, il est revendu à la D/S A/S Fokstein (Hans Waage) de Stavanger et devient le FOKSTEIN. De nouveau vendu en janvier 1916 à l'A/S D/S Morild (Bjørnstad & Co.), Kristiania, il est rebaptisé en mars MORILD I.
Le 29 mars 1917, il est arraisonné et coulé à l'explosif par l'UC 69 (Erwin Waßner) (2) à 9’ NW d'Hourtin sur un trajet Oporto à Cardiff avec une cargaison de poteaux de mine.
Le 3 avril 1917, eut lieu au consulat de Norvège à Bordeaux la déposition d'un rapport de mer concernant le coulage du vapeur"Morild L", de Kristiana. Le consul H.B. Hartman étant absent, l'acte fut conduit par le vice-consul Paul Thoresen, ayant comme assesseurs les commandants norvégiens Peter Johannessen du quatre mâts "Stöveren", de Kristiansand, et Eliert Forness, ex-capitaine du vapeur "Nyland" de Bergen.
Le commandant en titre Olaf Lindtner déposa un extrait du journal de bord concernant l'accident précité :
" Parti d'Oporto le dimanche 25 mars 1917 avec un chargement de poteaux de mine à destination de Cardiff. L'équipage se compose de 16 hommes, dont Mrs Olaf Lindtner (Capitaine), Elnar Nicolaysen (1er Lieutenant), A.Hansen (2ème Lieutenant), Thoralf Henry Johnsen (2éme Mécanicien), E.O Norell (Maître d'équipage). Le navire était bien équipé et en ordre parfait. L'exercice de mise à l'eau des canots avait eu lieu, et les canots étaient en bon ordre. Vent mou d'ouest, ciel ouvert. Gouverné d'après la route indiquée, en remontant la côte, continuellement à reconnaissance de la terre. Lundi 26 mars : Vent d'ouest, brise molle, ciel nuageux. La mer grossissait, avec un fort roulis.
A 12H30, passé le cap Finisterre à 3 milles, maintenu la route le long de la terre avec relèvement constant. Mardi 27 mars : Vent N.N.O, vent frais mer grosse et roulis , gouverné comme précédemment. Mercredi 28 mars : Vent N.N.O, vent frais, ciel ouvert, mer grosse et roulis. Passé Bayonne à 8H. 1/2 du soir, à 6 milles environ. Gouverné toujours le long de la terre. Jeudi 29 mars : Vent d'ouest, brise fraîche, mer assez grosse et roulis. A 10h10 du matin relevé le phare de Hourtin E.S.E à 3 milles. De la gouverné N.1/2E vers l'embouchure de la Gironde.
A 11h10 du matin, à une distance de la terre d'environ 6 milles, nous fûmes arrêtés par un coup d'avertissement d'un sous-marin allemand. On donna aussitôt le signal d'arrêt avec trois coups de sirène…
L'équipage descendit immédiatement dans les deux canots du navire. Trois ou quatre hommes de l'équipage du canot de secours et moi-même recevons l'ordre de nous rendre à bord du sous-marin, tandis que le canot avec quatre marins allemands se rend sur le Morild I . Après avoir déposé des bombes dans la chambre de la machine à haute pression, dans la chambre en dehors à la hanche bâbord, les matelots allemands reviennent avec le pavillon Norvégien, les cartes côtières du Portugal, de l'Espagne et de la France...
Malgré toutes mes protestations et sans donner aucun reçu, le commandant du sous-marin garde le connaissement, le certificat de jauge et l'acte de nationalité. Je ne reçois aucun reçu pour le coulage du navire. Il est à noter que pendant la mise à l'eau des canots, le sous marin ne cessa de tirer; un obus entre autres fût dirigé contre la passerelle, mais sans l'atteindre.
A 11H. 1/2 du matin éclata la première bombe; à 12H10 le "Morild I" coula. Le sous-marin avait environ 100 pieds de longueur, c'est-à-dire un type assez petit, entièrement peint en gris, sans aucun pavillon ou signe distinctif. Autant que le témoin put voir, il ne portait qu'un seul canon à l'avant du kiosque. Les canots gagnèrent la terre à la rame et abordèrent à 1H00 de l'après midi sur le rivage à environ 6 milles nord Hourtin.
Tout l'équipage fut sauvé. Le journal de bord fut perdu, ainsi que tous les effets de l'équipage. On ne donna aucun reçu pour les papiers du navire ou son coulage. La population nous fit le meilleur accueil. Nous passâmes la nuit à Hourtin et grâce aux dispositions des autorités françaises, nous arrivâmes à Bordeaux le vendredi matin 30 mars."
"La première embarcation arrive à son port, la deuxième chavire plusieurs fois par les lames. Sur tous les hommes qui la montent, quatre restent cramponnés à la quille et arrivent à rejoindre la terre, au moyen de la corde du bâton plombé que moi Saugerma, sous brigadier, leur ai porté et qui est attachée au hale à bord tenu par MM Bonnet et Dijean, le premier garde forestier, le deuxième ouvrier à la dune qui s'avancent dans l'eau jusqu'à mi-corps.
Deux autres qui se sont mis à la nage, pris de congestion près de couler, sont ramenés à terre, un par le quartier-maître Jouison, Détaché à Contaut (commune de Hourtin) qui est aidé par Mr Brière fils, résinier demeurant au Peloux (commune de Hourtin), l'autre par ma femme Elisabeth Saugerma. Ceux-ci, comme ma femme, d'ailleurs, s'avancent dans l'eau et sont assez heureux pour saisir les naufragés malgré la mer. D'autre part et en même temps, Mme Maysou, Mlle Bonnet, Mr Martin, retraité des forêts, et le soldat Meyres, du 144ème de ligne, en permission, aident les naufragés à sortir de l'embarcation dont le débarquement est rendu difficile par l'état de la mer."
Trois-mâts carré en acier LA PEROUSE, 3080 brt, lancé en 1901 par les chantiers Ateliers et Chantiers de la Loire, Nantes (3), pour la Compagnie maritime française. Il mesure 276,5 x 40,3 x 22,5 pieds et comporte une surface de voilure de 2807 m2.
Le 28 mai 1917, le navire s'échoue par vent d'Ouest et forte mer à 10 kms du poste des Genêts. L'échouement est dû certainement à la confusion qu'on fit à bord des feux de Hourtin et de la Coubre.
Une grosse aussière amenée à terre pour servir de va-et-vient par le second du bord débarqué avec quatre matelots dès la première heure de l'échouement ne peut servir, étant trop lourde et restant au fond de l'eau.
A une heure du soir, le va-et-vient est établi au moyen du hale à bord qui est porté à bord du navire par le second, monté dans le petit canot et halé par l'équipage; un second cordage amarré sur l'arrière de l'embarcation servant de hale à terre.
Le va-et-vient étant établi, six hommes embarquent dans le canot que nous halons à terre, lorsqu'il chavire par une grosse lame; un de ces hommes peut être ramené au navire par un de ses camarades restés à bord, pour y être hissé complètement évanoui.
Munis de ceintures de sauvetage, le quartier-maître Jouison (4) de l'aviation de Contaut (5), et moi-même Saugerma, brigadier des Douanes nous mettons aussitôt à l'eau pour porter secours aux cinq autres ( je n'ai gardé que ma chemise comme vêtement). Un des cinq naufragés est saisi et ramené à terre par les marins Cante et Burel et par le quartier-maître Jouison, il est aussitôt soigné et réconforté par ma femme. Je suis moins heureux, car étant à deux ou trois mètres d'un autre, prêt à le saisir, je suis culbuté et roulé par une lame; bien que me remettant aussitôt, il me soit impossible de saisir le malheureux qui disparait ainsi que les trois autres. Nous restons tous dans l'eau mais ne pouvons ramener aucun des autres naufragés qui ont disparu définitivement.
Nous passons la nuit derrière la dune littorale, un peu à l'abri du vent du large en compagnie des hommes cités plus haut, du second-maître Le Cudenec et de quatre matelots du patrouilleur débarqués, non sans danger, vu l'état de la mer, à 5 heures du soir au moyen d'un canot, et qui n'ont pu rejoindre leur bord, je fouille la côte avec eux pour retrouver les cadavres des malheureux noyés, puis nous revenons auprès du navire afin de prendre les dispositions nécessaires pour tenter le sauvetage des hommes restés à bord.
Vers 07h00 du soir, un gardien de phare, porteur d'un message téléphoné, ordonne au second-maître et aux quatre matelots de rentrer immédiatement par la voie de terre au Verdon, me privant de cette aide et plus rien n'est tenté pour le moment.
Vers 9h.1/2 du matin, nous sommes rejoints par Mr l'enseigne de Vaisseau Breuil, commandant l'actif du front de la mer de la Gironde.
A 2 h.00 du soir , le canot du patrouilleur muni de coffre à air, monté par Mr Breuil et les quatre matelots Canté, Burel, Gros Maître et Rollier se dirige vers le navire échoué. Le préposé Castaing et moi restons à terre dans la lame sur les ordres de l'enseigne de vaisseau pour diriger le va-et-vient halé par une trentaine d'hommes amenés par Mr Breuil, et pour recevoir les naufragés au moment où le canot touchera.
Au premier voyage l'enseigne de vaisseau reste à bord du navire pour diriger la manoeuvre. Sept hommes sont ramenés à terre au retour de l'embarcation halé par nous et les soldats du génie. L'un que je porte à sec sur mes épaules a trois doigts de la main gauche complètement écrasés.
Au deuxième voyage, deux hommes seulement ont pris place dans le canot; à quelques mètres du bord, le hale à bord, qui la veille s'est déjà rompu cinq fois, en cherchant à faire raidir la grosse aussière, se rompt à nouveau; cependant l'embarcation atterrit sans mal. Le va-et-vient est rompu et la mer devient de plus en plus forte (les lames balayent le pont du navire depuis l'avant jusqu'à l'arrière), les hommes qui montent l'embarcation n'osent plus retourner à bord chercher le reste de l'équipage, ce que voyant, j'embarque aussitôt avec eux laissant la direction du mouvement à terre au préposé Castaing.
Arrivés contre le navire au moyen des avirons, malgré les lames qui ont à moitié rempli l'embarcation, nous vidons l'eau en attendant l'embarquement des hommes restés à bord, lorsqu'un fracas terrible se fait entendre au-dessus de notre tête: c'est le grand mât qui vient de s'effondrer entraînant dans sa chute les haubans et autres cordages qui le retiennent.
Les hommes de l'embarcation et moi , à part une forte commotion, n'eûmes aucun mal; il n'en n'est pas de même pour le capitaine qui était en train de descendre l'escalier de la dunette arrière. Il fut happé par un filin qui le projeta tout meurtri sur le pont. Après les premiers soins indispensables, il fut descendu dans l'embarcation au moyen d'un bout et reçu par nous; le reste de l'équipage embarqua aussitôt après; puis se fut le tour de Mr l'enseigne de Vaisseau et du second du navire. A cinq heures du soir le sauvetage est terminé.
Le Lapérouse sous voiles |
André Jouison |
1. Smith's Dock Co. Ltd. (T. & W. Smith) , North Shields : La compagnie a été créée par Thomas Smith qui a acheté chantier naval William Rowe à St. Peter's à Newcastle upon Tyne en 1810 et pris le nom de William Smith & Co. La compagnie a ouvert son dock de construction à North Shields en 1851. Le premier navire lancé fut le Termagent en 1852. La société a changé son nom pour Smith Dock Co. en 1891. En 1907, elle s'est associée à South Bank à Middlesbrough sur la rivière Tees en Angleterre du nord. Smiths Dock a de plus en plus concentré son activité de construction navale à South Bank, le chantier de North Shields servant essentiellement à des travaux de réparation (en particulier sur les pétroliers) à partir de 1909. Malgré ce changement d'orientation, le siège de la Société est demeurée à North Shields. Smiths Dock a construit de nombreux navires qui ont servi pendant la Seconde Guerre mondiale, y compris les chalutiers que l'Amirauté a réquisitionné et transformé en patrouilleurs armés. En 1966 Smiths Dock a fusionné avec le chantier Swan Hunter & Wigham Richardson pour former Associated Shipbuilders, qui deviendra plus tard Swan Hunter Group. En 1968, la société a achevé la première construction d'un navire porte-conteneurs britannique, le Manchester Challenge de 12.039 tonnes brutes. En 1971, la société a livré trois nouveaux navires de cette conception à la Manchester Liners. Le chantier naval a définitivement fermé en Février 1987.
2. UC 69 : sous-marin type UC II construit par Blohm & Voss, Hamburg (yard 285) et lancé le 7 août 1916. Il est mis en service le 23 décembre 1916 sous le commandement du capitaine Erwin Waßner, dans la Flandern II Flotilla. Il effectuera 9 patrouilles sous le commandement de Erwin Waßner (jusqu'au 8 août 1917) et de Hugo Thielmann jusqu'a son naufrage par abordage avec le 6 decembre 1917 avec le U 96 au large de Barfleur. Ci-dessous la liste des navires coulés par Erwin Waßner.
Erwin Waßner |
Sous-marin type UC II |
Liste des navires coulés par Erwin Waßner HUNTLEYS, 186 tx, G.B. - MARY ANNIE, 154, G.B. - NORMA, 1.443, SUE - AASTA, 1.146, NOR - GRIB, 1.474, NOR - THRACIA, 2.891, G.B. - KATINA, 2.464, POR - MORILD I, 1, 354, NOR - AVANGUARDIA, 2.703, ITA - BRITTA, 2.061, NOR - FARMAND, 1.387, NOR - BARREIRO, 1.738, POR - MARIA, 2.754, POR - POLSTAD, 2.692, NOR - ILVA, 2.140, ITA - IOANNIS P. GOULANDRIS, 3.153, GRE - TROMP, 2.751, NOR - GURTH, 1.340, NOR - VOSS, 2.390, NOR - LEIKANGER, 3.544, NOR - TIGER, 3. 273, NOR - NANN SMITH, 2.093, NOR - ALEXANDRE, 697, FRA - HASTING, 983, SUE - ADDAH, 4, 397, G.B. - LA TOUR D’AGON, 125, FRA - BEARN, 1.288, FRA - SPIND, 1.174, NOR - KATERINA, 3.092, POR - E. T. NYGAARD, 1, 923, DAN - CABO VERDE, 2, 220, POR - HELMA, 1, 131, NOR - KANSAN, 7, 913, USA - KAGESHIMA MARU, 4.697, JAP - FRITHJOF, 1, 389, NOR - SIR WALTER, 492, G.B. - BALDWIN, 1.130, NOR - BERTHA, 107, POR - LOCKSLEY, 2.487, NOR - VENTUROSO, 420, POR - HILDUR, 961, NOR - GYLDENPRIS, 2.667, NOR - WAR PATROL, 2.045, G.B. - FANTOFT, 1.034, NOR - BELLIQUEUX, unknown, FRA.
3. Les chantiers de la Loire : Créés en 1881 après le rachat de Jollet et Babin, les chantiers de la Loire s'installent sur la Prairie-au-duc. Ils ont l'avantage sur Dubigeon, de posséder un outillage neuf et une capacité de production bien adaptée à la construction moderne notamment dans le domaine de la mécanique et des navires de pointe. De 1889 à 1895, 4 navires furent lancés par ce chantier. Puis la construction en série fut commençée en 1897. Huit navires, le premier fut lançé le 5 avril 1898 et le dernier le 27 juin 1899.
4. Jouison André : Quartier-maître ; Date : 1917 ; Unité : Goliath-Shamrock (1/3-14/9/1915) puis Centre aéronautique. Lors de son affectation au Centre aéronautique Rochefort / la Pallice / Hourtin, il a reçu le diplôme d'honneur de la "Société Centrale de Sauvetage des Naufragés", le 13 septembre 1917 pour le sauvetage périlleux des équipages du vapeur norvégien "Morild L" coulé par un sous marin allemand et du 3 mâts français "La Pérouse" échoué par vent d'Ouest et forte mer sur le banc des Genêts au large d'Hourtin sur la côte Girondine.
5. Aviation de Contaut : Le lac d'Hourtin situé en Gironde, dispose d'un plan d'eau s'étendant sur une quinzaine de km du nord au sud et de 5 à 6 d'est en ouest. Cet emplacement est choisi en 1916 pour y implanter un poste de combat à proximité du hameau de Contaut. Les travaux de construction débutent en février 1917, et il est prévu d'annexer à ce poste de combat, une école de pilotage d'hydravions. Les premiers hangars commencent à y voir le jour en février et sont achevés en juillet de cette année là.
Archives personnelles de M. Jouison ; S.H.M. Vincennes (SSG N° 3361, D 4112, C 33) ; Norske skipsforlis i 1917 ; The National Archives, Kew (BT 372/455/11) ; Arkivverket (A-11291, f°0002- 0227 Fokstein, Morild I) ; The National Archives, Kew (BT 372/455/11 : R255913 M'Garel 28/07/1924 Chelmsford) ; Grands Voiliers français" J. Randier ISBN 2-85231-012-0 ; Bureau Veritas "Repertoire général des navires à voiles" 1911-1912 ; Miramar Ship Index, R.B. Haworth, Wellington, New Zealand, 2006 ; Association Histoire de La Construction Navale Nantaise ; Lloyd's Register (1916-1917) ; A.D. 44 (3P579) ; San Francisco Public Library (photo b1035147) ; Annales du sauvetage maritime (1917/07/01 au 1917/12/31) ; Rapport du naufrage du Morild I (en norvègien) ;