Le trois-mâts RAKAIA
Trois-mâts barque en fer de 1057 Brt, 986 Net, lancé le 19 novembre 1873 sous le nom de RAKAIA N° officiel 68499 par le chantier Blumer à North Dock (Yard N° 30).
C'est le premier paquebot à voiles de la New Zealand Sg Co Ltd., Londres (1). D'abord gréé en trois-mâts carré, il sera plus tard transformé en trois-mâts barque.
Ce navire de 210,2 x 34 x 19,2 pieds effectue près de vingt voyages de Londres en Nouvelle-Zélande, sous les ordres du capitaine H. Rose, avec des passagers. A son voyage inaugural il en transporte trois cent trente-trois. Ses traversées durent rarement moins de quatre-vingt dix jours, la meilleure fut effectuée en soixante dix-huit jours.
En 1892, il est vendu à l'armement allemand J.N. Robertus et prend le nom de MARIE. Il naufrage en septembre 1906, mais il peut être renfloué.
Il passe alors sous pavillon américain et la propriété de Saunders & Trobach de 1907 à 1909, puis en 1909 à 1912 sous celle de J. C. Mc Kown. En 1912-1913, il est la propriété de G.H. Corder et reprend son nom d'origine RAKAIA.
En 1913-1914, il est armé par la Revere Co. Ltd, Bridgetown, La Barbade.
Vendu en 1915, 4850 £, il devient le RUTH STARK, pour Crowell & Thurlow Steamship Company, Boston (2).
Le 21 février 1918, il est racheté par l'Agence Française de Transports maritimes (Socièté d'Armement R. Van Hemelryck et Cie, 19 rue Scribe, Paris) et devient le MONTE CARLO, immatriculé à Brest.
Trois-mâts RAKAIA (National Library New-Zealand, Ref. 15960 B)
Le 1 mai 1918, à 5 heures, il part de Brest, à destination de Nantes, remorqué par le remorqueur anglais TORFRIDA. Parvenu dans les courreaux de Groix, le remorqueur, qui avait à bord, un pilote de Brest, change de pilote et embarque un pilote de Groix. Il continue sa route jusqu'à 1 h 50 et se trouve alors à 2 milles dans le SW du feu de la Teignouse.
A ce moment, deux détonations sourdes sont entendues. Les bittes de remorque sont arrachées et le bâtiment s'immobilise sur les rochers de Goué-Vas. L'eau envahit rapidement les cales et arrive jusqu'au ras du pont supérieur. L'équipage abandonne le navire pour se réfugier à bord du remorqueur qui le conduit à Port Haliguen.
Le capitaine du MONTE CARLO, Louis Bré (4), qui était sur le pont depuis 5 heures du matin, était allé se reposer, laissant la responsabilité du navire au maître d'équipage Gaubert en qui il avait toute confiance et qui était familiarisé avec la navigation dans ces parrages. Quelles ont été les causes de l'accident ? Le pilote Guéran affirme que le navire a été torpillé ; il en donne les raisons suivantes :
Quelques minutes avant les détonations entendues, il aurait aperçu, à 500 ou 600 mètres par tribord un navire bas sur l'eau ayant une sorte d'élévation au milieu, navire qui aurait disparu après l'accident... Mais le pilote a été le seul à découvrir cet objet suspect et il est extraordinaire qu'il n'ait pas songé à le signaler au MONTE CARLO. Il allègue qu'il ignorait que ce dernier fût armé, mais à défaut, il eût pu manoeuvrer pour éviter cette fâcheuse rencontre. A bord du MONTE CARLO, où la veille parait avoir été attentive, personne n'a eu connaissance de ce navire suspect qui semble n'avoir existé que dans l'imagination du pilote. Il affirme notamment, que, au moment de l'accident, il avait depuis 20 minutes dépassé la bouée Goué-Vas et, comme il filait 5 ou 6 noeuds, il s'en serait trouvé à 2 miles environ quand le bâtiment est venu au N 83° E.
Or, le MONTE CARLO a sombré sur le petit fond de Goué-Vas, il aurait donc fallu qu'après son torpillage supposé il dérive 2 milles dans le NNW pour finalement venir s'échouer. Cela paraît impossible pour les raisons suivantes :
1. Tous les témoins s'accordent à dire que le navire a sombré sur place. Il aurait donc dû disparaître par des fonds de 25 mètres s'il s'était trouvé à l'endroit indiqué par le pilote ; en admettant même qu'il ait pu dériver pendant quelque temps, comment aurait-il pu parcourir, en une demi-heure, deux milles dans le nord alors que la brise était du NE et que le courant, presque nul portait à l'ouest ?
2. Le Monte Carlo s'est engagé jusqu'au mât de misaine sur une roche où il ne restait pas plus de 3 mètres d'eau et, comme il calait 5,15 mètres devant, il était déjaugé d'environ 2 m. 50, ce n'est évidemment pas sous l'action d'une faible dérive qu'il a pu monter ainsi sur les rochers!
3. Au moment où les détonations ont été perçues, le navire s'est immédiatement immobilisé et les bittes de remorque ont été arrachées. Il a donc trouvé sur sa route un obstacle qui l'a arrêté net, ce qui ne se serait pas produit dans le cas d'une simple brèche ouverte dans les fonds. Le navire s'est d'ailleurs échoué au cap qu'il avait au moment de l'accident, ce qui tend à prouver qu'il n'a pas bougé et est resté sur place.
Il n'est donc pas possible d'envisager l'éventualité d'un torpillage. Aucune commotion n'a été ressentie à bord, aucun sillage de torpille n'a été aperçu, aucune gerbe d'eau, caractéristique de cet événement, ne s'est produite...
Il apparaît donc comme certain que le MONTE CARLO s'est échoué sur le petit fond de Goué-Vas et que les détonations entendues proviennent de l'arrachement des bittes et probablement des bordées de ponts qui se soulevaient.
...Estime que le capitaine du MONTE CARLO est responsable de la perte de son bâtiment et propose au Ministre :
1. de traduire le capitaine au long cours Louis Bré, commandant du MONTE CARLO et le maître d'équipage Gaubert devant un tribunal maritime commercial spécial, par application de l'article 3 de la loi du 10 mars 1891. (5)
2. d'infliger au pilote Gueran une suspension de fonctions de 6 mois, par application du décret du 16 juin 1913. (6)
Fait à Paris, le 6 août 1918.
"Je viens vous accuser reception de votre honorée du 27 novembre qui a eu toute mon attention
Certainement votre navire le MONTE CARLO a sauté en touchant une mine, et je puis l'affirmer, malheureusement pour une amplification du rapport il me faut aussi l'affirmation de deux témoins qui étaient présents au moment de l'accident et pour le moment cela m'est impossible.
Je compte être de retour à Nantes avant l'expiration de l'année et je serai tout à vos ordres pour le dit cas. En attendant vous pouvez me donner ordres à la Martinique où à ma prochaine destination"
Signé Louis Bré
Les armateurs menacent d'assigner en justice la commission de la Marine Marchande. C'en est trop pour le Ministre. Il repond le 26 novembre 1919 en réitérant l'ordre de faire comparaître le capitaine Bré et son maître d'équipage Gaubert devant le Tribunal Maritime Spécial.
L'équipage du remorqueur anglais "Torfrida", sloop à hélice de 106 pieds, de la Steam Tug Torfrida ( Gottschalk & Stuart ) de Liverpool, travaillant sur l'épave du Florence H, avait remorqué la baleinière du "Monte Carlo" dans laquelle l’équipage s’était réfugié, a fait demande de mainlevée de cette baleinière. Cela leur avait été refusé, car il n'avait pas été considéré comme sauveteur puisque il avait été commandé à cet effet sur réquisition.
1. New Zealand Shipping Company : le 24 janvier 1873, la New Zealand Shipping Company Ltd a été enregistré à Christchurch pour un capital de £100,000, divisés en parts de £10. M. J. L. Coster de la Banque de la Nouvelle-Zélande est devenu le Président et M. C. W. Turner de Londres, son agent. En juin, la Otago Freight Association de Dunedin a été absorbé par la New Zealand Shipping Company. Le 2 juin, le Punjaub naviguait de Londres vers son premier charter en Nouvelle-Zélande arrivant dans Lyttelton le 20 septembre. En novembre, à la première assemblée générale, le Conseil d'administration annoncait que dix-huit navires avaient été armés et deux avait été achetés.
2. Crowell & Company Steamship Thurlow - Maine : la société a été fondée par Peter H. Crowell et Luther K. Thurlow. Crowell, était constructeur de navires à vapeur. Il est décédé en 1923. La société comptait 82 voiliers et 13 navires à vapeur quand son associé Thurlow est mort en 1941.
3. TORFRIDA : remorqueur N° officiel 51357, lancé sous le nom de TORFRIDA, par Cook Welton & Gemmell à Hull (Yard N°: 36) il est mis en service le 28 février 1889 pour Messrs. T. Gray & Co., Limited, Hull. Tonnage: 126, 1486 DWT. Dimensions 106 x 19.5 x 10.5. Propulsé par une machine à triple-expansion direct-acting de 75 H.P. nominal, (420 H.P. indicated).Vendu en 1893, il est renommé SAN JACINTO, puis retourne en 1898 à son nom d'origine TORFRIDA, à la Steam Tug "Torfrida", immatriculé à Liverpool. Il prend en remorque le MONTE CARLO à Brest sous le commandement de H.A. FOREMAN.. Il sera détruit à Cardiff en mars 1950.
4. Louis Bré, capitaine au long cours, natif de Ploubazlanec. Commandant du COQUIMBO en 1913, il effectue une traversée Iquique – Nantes avec un chargement de salpêtre. Alors qu' il se trouvait le 2 Août sous le vent des Malouines, le capitaine ordonna d’appuyer les bras des vergues au vent lorsqu’une rafale d’une extrême violence surprit le navire. Le grand mât de hune cassa net par le milieu entrainant d’importantes avaries aux deux autres mâts. Il fallut deux jours de travail incessant pour que COQUIMBO puisse continuer sa route sous misaine et artimon, avec sa grande vergue portant une voilure de fortune. Il entra en Loire 122 jours après son départ d’Iquique, avec une partie de son équipage subissant les premières atteintes du béri-béri.
Victime le 27 Septembre 1917 de l'arraisonnement et de la destruction à l'explosif de son voilier BON PREMIER de la Société Générale de Transport Maritime à vapeur. Ce jour là, la commission d'enquête concluera : "Surpris au large le 29 Septembre dernier, le BON PREMIER ne pouvait rien contre un adversaire marchant bien et armé de 2 canons. A la tombée de la nuit, il a cherché à échapper au sous-marin en laissant porter pour changer de route une fois la nuit arrivée. Mais pareille manœuvre restait vaine à l’heure à laquelle la rencontre s’est produite. La commission estime que le capitaine a bien agi en ne songeant qu’au salut de son équipage et a fait preuve en la circonstance de beaucoup de calme."
5. Code disciplinaire et pénal de la marine marchande : "...tout autre fait de négligence imputable au capitaine, chef de quart ou pilote, a occasionné, pour le navire ou pour un autre navire, soit un abordage, soit un échouement ou un choc contre un obstacle visible ou connu, soit une avarie grave du navire ou de sa cargaison, le coupable est puni de trois mois d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende, ou de l'une de ces deux peines seulement. Si l'infraction a eu pour conséquence la perte ou l'innavigabilité absolue d'un navire ou la perte d'une cargaison, ou si elle a entraîné soit des blessures graves, soit la mort pour une ou plusieurs personnes, le coupable est puni de deux ans d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende, ou de l'une de ces deux peines seulement."
6. Décret du 16 juin 1913 : L'état de la législation depuis 1858 aboutissait à assurer une impunité à peu près complète au pilote coupable tant que la faute nautique commise par lui dans la conduite d'un bâtiment n'entraînait pour l'équipage entier ou pour quelques uns de ses membres, ni la mort, ni des blessures quelconques, seuls cas dans lesquels la comparution devant les tribunaux s'imposait en vertu des articles 319 et 320 du code pénal. Le décret du 16 juin 1913 donne la possibilité au sous-secrétaire d'Etat à la Marine marchande de prononcer des peines à l'égard des pilotes fautifs après enquête contradictoire. Quatre types de sanctions seront prévues : la réprimande, le blâme, la suspension temporaire des fonctions, la révocation.
7. THANN : Goélette 5 mats à moteur auxiliaire 1918, 2142 tons, 3200 t, 900 HP, 2 machines vapeur. Foundation Co., Shipyard, Tacoma, Washington. Port armement Bordeaux. Désarmé à Brest 1922. Vendu à armateur américain. Foundered 36.12N/37.00W 10.12.26.
Cinq-mâts goélette THANN