KERREG ENEZ SUN
CARTES DE LA CHAUSSEE ET DES ROCHERS DE L'ÎLE DE SEINIl fut un temps, guère lointain, ou chaque grève, chaque rocher remarquable avait un nom. Mais à moins d’être originaire du lieu, l’observateur ne sait dire le paysage qu’à l’aide des rares noms portés sur les cartes. Or, bien souvent, ces toponymes officiels sont fautifs, les hydrographes étant souvent plus soucieux de bien décrire les dangers de la côte que de respecter les termes choisis par les autochtones pour les désigner. (Per Pondaven, Yann Riou, « recueillir les noms de la côte », in Chasse-marée, N° 76, 1993, pp. 26).
La toponymie de cette chaussée qui s’étend sur 12 km de long vers l’ouest, large de 800 m du nord au sud recèle une toponymie très riche, qui a conservé la mémoire d’une communauté bretonnante à l’identité très forte. Il était urgent de recueillir, pour les conserver, la mémoire et le patrimoine maritime des pêcheurs de l’île de Sein.
Tout commence pour les membres de la SAMM dans les années 90, dans la ruelle Saint-Corentin au centre de l’île de Sein. Les amis et les pécheurs de l’île poussent régulièrement la porte de Josic Fouquet et de son fils Gaetan pour boire un café ou une bière. La carte de la chaussée est alors étalée sur la table de la cuisine et les discussions vont bon train pour retrouver les toponymes de chaque cailloux, rochers, plateaux ou tombant. Peu à peu la carte se rempli d’une numérotation qui se rapporte à un index regroupant une longue liste de noms en breton. Trente ans plus tard, Gaetan confie la carte et l’index aux membres de la SAMM et leur demandant de poursuivre le travail et de le terminer.
Nous avons fait la connaissance d’un groupe de quatre chercheurs en toponymie nautiques de Plouguerneau dans le Finistère nord : Denez, Arnaud, Daniel et Yann ont déjà réalisé plusieurs cartes de toponymie nautiques telles que celles de Lilia, la carte de Plouguerneau (partie Nord), la carte de Guisseny-Kerlouan, la carte de Brignogan-Plounéour-Trez et celle de Plouescat. Leur savoir-faire n’est plus à démontrer. Il existe aussi des groupes de chercheurs sur Crozon, sur la pointe du Raz ou encore dans les côtes d’Armor mais, à notre connaissance, Denez et ses amis sont les seuls à produire des cartes imprimées en grand format. Denez Abernot et Daniel Roudaut parlent le breton et se chargent des recherches sur la grève et des discussions avec les anciens, Yann Souche, graphiste prend en charge le positionnement des toponymes sur les cartes. Arnaud Rousseau, quant à lui, prépare le travail et coordonne le quatuor depuis plus de dix ans...
La démarche scientifique du groupe a été acquise au fur et à mesure de leurs rencontres avec leurs prédécesseurs, Per Pondaven, Yann Riou et Mikael Madeg, qui se sont illustrés par un important travail de collectage. Les cartes de Guisseny, Kerlouan, Brignogan n’auraient pas été possible par exemple sans le remarquable travail de Per Pondaven décédé en janvier 2008. Il avait travaillé sur les grèves et côtoyé les anciens dès les années 1990, c’est-à-dire à une époque ou la mémoire était encore vive et où elle pouvait encore être transmise.
Cette mémoire s’est égarée et les dernières brides se perdent aujourd’hui totalement sur toutes les côtes bretonnes. La raison principale est que la navigation a changé. Il n’y a plus besoin de connaître chaque caillou, chaque rocher pour naviguer… enfin le croit-on ! le GPS a modifié toutes les pratiques mais cela a commencé en vérité lorsque le moteur a supplanté les voiles à bord des caboteurs et des bateaux de pêche. On peut dater les changements dès les années 30 et noter une véritable accélération après la seconde guerre mondiale. Ainsi, force est de constater que les hommes de mer qui ont aujourd’hui environ 80 ans sont nés dans les 40, qu’ils avaient 15 ans dans les années 60 et qu’ils ont navigué avec leurs ainés qui eux maîtrisaient encore parfaitement les toponymes de leurs zones de pêche ou de navigation.
On comprend l’importance et l’urgence de pouvoir encore partager la connaissance avec des gens de mer !(voir le texte complet)
Les codes de la carte :
En blanc ou orangé : roches, basses, bancs
En jaune : trous, passes, chenaux
En noir : grèves, ports
Quelques termes maritimes : |
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Ambreg (pluriel ambrejer) : décharge de courant | Beg (pluriel begoù): pointe à terre, tête de roche en mer |
Kanol, Toull : passe, trou, chenal | Kornog (pluriel korneien, korneujen) : roches pointues |
Louzaouenn (pluriel louzaouennoù) : brisants | Mean, Men, (pluriel. mein), Karreg (pluriel kerrreg), Roc’h : roches, rochers |
Pladenn (pluriel. pladennoù) : roches plates | Plas (pluriel plasoù) : basses, roches |
Plasenn (pluriel plasennoù), Baz (pluriel Bazoù) : basse | Sko : abri de courant - al Lano courant de flot ; - an Trec’h : courant de jusant |
Quelques éléments de prononciation
- E : prononcé toujours é en fin de mot : Ar Boufé, Ronalzé , al Leué, Beg ar C’halé, Men Hervé….
- G : toujours G dur dans le mot, jamais J : Mein ar Guell, Ar Vegueugueuz, Ar Gui Veur
- G : prononcé K en fin de mot : Karrek, Ambrek, Gouelvanik, Reorok , Kornok (toutefois adouci en G dans la liaison : Karreg an Tammik, Karreg ar Haor, Kornog ar Héré...
- C'H : H guttural comme CH allemand dans Aachen ou J espagnol dans Aranjuez
ar Heulé, Mein ar Zah, Beg ar Hi, Roh Piged, An Arh, Ar Miahiok…- N : toujours sonore en fin de mot : Treuzvan-nn , Ar Mean-nn ,Kornog an Hale-nn ,
Plas Salaü-nn, Ki-Mor Fi-nn d’ar Gornok, Al Luron-nn, Ar Gouelvan-nnScanner ce QR Code