


Marie-Gabrielle part de Saint-Louis du Sénégal pour Dunkerque, le 8 mai 1883. Le 24 juillet 1883, il repart de Dunkerque à destination de Savannah. Il relâche à Cap Saint-Vincent le 10 septembre.
14 septembre 1883. On télégraphie de Bordeaux : La Marie-Gabrielle, de Bordeaux, a relâché au cap Saint-Vincent.
A la suite d’un complot en mer, l’équipage a tué son capitaine. Aujourd’hui, l’équipage est arrêté et le navire a été mis sous scellés.
Nous avons déjà parlé de la révolte de l’équipage de la Marie-Gabrielle, en mer, et de l’assassinat du capitaine. Cet équipage vient d’ètre ramené en France et incarcéré à Dunkerque.
Dunkerque, 30 septembre. :
« L’équipage de la Marie-Gabrielle, qui s’était révolté en mer et avait tué son capitaine, a été amené hier à Dunkerque par le steamer la Ville-de-San-Nicolas. Des gendarmes de marine sont allés à bord chercher les dix matelots révoltés et les ont conduits à la maison d’arrêt. »
Voici quelques détails sur les circonstances dans lesquelles a été commis le crime : Le capitaine de la Marie-Gabrielle, M. Charles Lebègue, passait pour un homme très-violent, dur pour ses matelots. Il
avait eu bien souvent des démêlés avec ses équipages, et naguère encore, il avait été condamné par le tribunal maritime de Dunkerque pour abus de pouvoir et mauvais traitements envers un mousse.
Avant son départ, il semblait avoir le pressentiment que sa traversée ne se passerait pas sans événements. La police avait dû intervenir à son bord, de sourdes menaces avaient été proférées, et il avait eu soin de se munir d’un revolver.
A la suite de certains incidents, sa mort fut décidée entre plusieurs de ses hommes. Le mousse fut chargé de dérober le revolver pendant la nuit. Il s’acquitta de cette tâche et remit l’arme entre es mains d’un matelot nommé Mendal.
Le lendemain matin, vers dix heures, quelques instants après que la bordée de quart eut abandonné le service pour prendre du repos, le capitaine se trouvait sur sa dunette en train de relever le point ou de faire des observations concernant la marche du navire. Mendal s’approcha de lui, par derrière, et lui déchargea à bout portant un coup de revolver ; Lebègue tomba et fut achevé par trois autres coups tirés dans les oreilles.
Mendal, aidé du second et de ses complices, porta le capitaine dans sa chambre et déclara aux hommes couchés et qui n’avaient rien entendu, que M. Lebègue s’était suicidé dans sa cabine.
Le second prit immédiatement toutes les dispositions pour faire croire à un suicide ; des papiersfurent brûlés et les registres du bord falsifiés.
Arrivé à Saint-Vincent (îles du cap Vert), on déclara la mort du capitaine à l’agent consulaire français, qui vint à bord accompagné d’un médecin ; mais quatre hommes, qui n’avaient pas été dupes de la fable racontée par les meurtriers, s’étaient empressés d’aller faire leur déposition : ce sont Ollivier, maître d’équipage, et les marins Berthaud, Caudereau et Collet. En présence du médecin et de l’agent consulaire, les autres perdirent contenance.
L’examen du cadavre fit découvrir de suite la vérité, et l’agent consulaire fit procéder à l’arrestation de tout l’équipage et à la mise sous séquestre du navire.
Les marins incarcérés sont au nombre de dix. Trois d’entre eux, Yves Saint-James, second du navire, et les matelots Jean Mendal et Mathurin Collet, sont de Pleubian (Côtes-du-Nord). Le maître d’équipage Ollivier, qui, loin d’avoir pris part au crime, l’a dénoncé, est, dit-on, de Saint-Enogat ou de Saint-Lunaire.
Le capitaine Lebègue à peine tué, son corps fut dépouillé de ses pantoufles et de son chapeau seulement, puis enveloppé par Mendal dans un morceau de toile à voile que Mège cousut, puis jeté à la mer. Aucun complot n’avait été tramé par l’équipage, ni entre Mendal et Pasquier.
Lebégue, homme brutal, violent et colèreux était toujours armé de son revolver, plusieurs fois Il avait même menacé Mendal de le tuer, et, la veille de sa mort, il avait lui-même, pour un motif des plus futiles, roué de coups de corde le mousse Pasquier; celui-ci voyant dans Mendal un homme très résolu de se venger, avait volé le revolver du capitaine, et sans rien dire, le lui avait remis ; dix minutes après, l’accusé Mendal tuait le capitaine en lui tirant un coup dans le dos, deux à la gorge et un autre au coeurL’instruction de la Marie-Gabrielle, dont nous avons déjà parlé, a été conduite activement.
Actuellement elle est terminée. Une ordonnance de mise en liberté a été rendue en faveur de
plusieurs matelots. Les deux matelots reconnus coupables de l’assassinat de leur capitaine sont les nommés Mendal et Pasquier. Leurs aveux sont complets.
Cette affaire passera, croit-on, à la session de novembre des assises de Douai.
Le procès de la Marie-Grabrielte; marin Breton condamné pour avoir assassiné le capitaine.
L’affaire de l’assassinat du capitaine Lebègue, commandant la Marie-Gabrielle, dont l’équipage s’était révolté en pleine mer, a été jugée, le 26 novembre, par la Cour d’assises de Douai.
Il y avait deux accusés : Jean Mendal, matelot, âgé de 27 ans, né à Pleubian et demeurant à Lannion, et Jules Pasquier, novice, âgé de 16 ans et demeurant à Fontenay-aux-Roses (Seine).
Les débats ont été très-émouvants. La veuve Lebègue, qui s’était portée civile, afin d’avoir le droit d’intervenir si la mémoire de son mari était trop violemment attaquée, y assistait.
Mendal a reconnu sans difficulté, comme il l’avait déjà fait lors de son arrestation, l’exactitude matérielle des faits relevés contre lui. Il s’est défendu avec beaucoup d’intelligence et d’énergie et son attitude a produit une bonne impression sur l’auditoire.
— « Oui, a-t-il dit, j’ai tué le capitaine, mais c’est parce qu’il m’avait poussé à bout.C’est parce qu’il saisissait tous les prétextes pour me persécuter, c’est parce qu’à chaque instant, surtout quand il avait bu, il me menaçait de son revolver. Un jour, après avoir maltraité le mousse du bord, il me menaça de nouveau. Je crus qu’il me tuerait et je l’ai tué.
Les témoins ont unanimement déclaré que le capitaine Lebègue était d’un caractère violent, intraitable, et qu’il leur rendait la vie impossible.
Mendal a obtenu du Jury le bénéfice des circonstances atténuantes. La Cour l’a condamné aux travaux forcés à perpétuité. Pasquier, son complice, a été condamné à dix ans de la même peine.
Sources
L’Union Bretonne (25/05/1883, 03/08/1883, 03/10/1883, 24/10/1883, 10/11/1883, 01/12/1883 ; A.D. 59 (2 U 1/418) (2 U 1/485 : à bord du navire « Marie-Gabrielle de Dunkerque » : de LEBEGUE Charles, capitaine, par BERTHAUD
Théodore et CAUDEREAU Joseph matelots) ; Bureau Veritas (1883) ;