(Pindos au cap Cornwall) construit la même année que le Gers |
Le quatre-mâts Cape York |
Quatre-mâts barque, lancé sous le nom de CAPE YORK, le 16 juillet 1890, par les chantiers Barclay, Curle & Co., Whiteinch, Glasgow (yard 364), pour A. Lyle & Sons, Greenock.
Il mesure 84,24 x 12,51 x 7,38 mètres [276'5 x 41'2 x 24'3 pieds] pour un tonnage de 2128 BRT et 2030 NRT.
En 1893, il accomplit la traversée d'Adelaïde à Barry Docks en 72 jours et en 1899, il parcourt le trajet de Newcastle à Mollendo en seulement 38 jours.
En novembre 1899, il est acheté par A.D. Bordes et Fils, Dunkerque, pour 14.500 livres et renommé GERS (1) . Son capitaine est Anette P. Standaërt.
Le Cape York en cale sèche (State of Victoria Library)
En octobre 1904, il appareille de Tocopilla pour le port de La Pallice, avec une cargaison de nitrate (2), sous le commandement du capitaine Delépine.
Dans la tempête, il vient s'échouer sur les roches de la pointe du Chanchardon, dans l'ouest de l'île de Ré, le 15 janvier 1905 au soir. La tempête fait rage et rien ne peut être tenté de l'île pour intervenir. Au matin, on envoie les torpilleurs 188, 194 et 200, basés à La Pallice pour lui porter secours.
Les 31 hommes de l'équipage sont réfugiés dans la mâture. Un chalutier de Royan, le vapeur "Georgette", commandé par Fernand Castaing, prend le risque de se détourner. Il sauve l'équipage qui a passé 17 heures dans la mature. Il les ramene à La Rochelle. Deux hommes sont blessés assez grievement.
La figure de proue du navire est conservée par la famille Castaing.
Ouest-Eclair (Ed. Rennes 19 janvier 1905) |
M. Castaing patron du vapeur Georgette, a déposé mercredi matin le rapport suivant à l'administration maritime de la Rochelle an sujet du naufrage du Gers :
"Avant hier, 16 janvier, je suis parti du port de la Rochelle pour me rendre sur les lieux de pêche lorsque par le travers de la digue Richelieu, j'ai été hélé par le vapeur de pêche Imbrim. Ayant fait route sur lui, le patron de ce vapeur me dit, qu'il avait sa machine engagée par suite de câbles enroulés sur son hélice et me pria de bien vouloir la prendre à la remorque, je l'empêchai ainsi d'aller se briser à la côte à la suite de vents de S.-O. qu'il faisait.
Après avoir manoeuvré et pris Imbrim à la remorque je suis retourné la Rochelle ou je suis arrivé à une heure trente le soir, mais par suite du vent qui se leva, je pus passer la nuit en rade de Rivedoux (Ile de Ré). Au matin le vent ayant un peu molli, je fis déraper et me mis en route vers 7 heures en passant par le pertuis d'Antioche, lorsque arrivé à Chassandon au Sud, j'ai aperçu un navire quatre mâts du coté des Baleines. Ayant jugé que ce navire occupait une mauvaise position, j'ai mis le cap sur lui main quand je suis arrivé à moins de 2 milles de lui j'ai constaté qu'il était coulé sur lieux dits "Grandes-Brioches".
Moi-même en ce moment je me trouvais aux accores de brisants. Après avoir consulté mon équipage du regard et étudié l'état de la mer pendant dix minutes environ, j'ai commandé à manoeuvrer pour m'approcher du navire, manoeuvre très difficile par suite des lames qui se brisaient furieusement et qui a chaque instant couvrait mon vapeur d'un bout à l'autre. D'un autre côté, par suite de la grande houle, lorsque je me trouvais entre les lames, je risquai de talonner et de briser mon hélice sur les rochers.
Enfin après une heure environ de manoeuvres très difficiles et après avoir essuyé quatre ou cinq paquets de mer dont chacun d'eux rendait la tache bien difficile, en remplissant jusqu'au haut des pavois 50 centimètres d'eau environ sur le pont, me menaçant ainsi de me faire sombrer à mon tour, j'ai pu accoster le navire quatre-mâts Gers et prendre don équipage comprenant 31 hommes.
Cette manoeuvre a encore présenté bien des difficultés, principalement pour les hommes qui étaient déjà blessés et le navire, qui avait ses vergues brassées carré, m'a obligé à me tenir toujours sur son arrière, malgré la mer qui me poussait à aller de l'avant. Je pus tenir mon bateau en respect, grâce au bon concours de la machine, car si j'avais couru de l'avant, ma mâture et mon tuyau seraient venu butter dans les vergues du voilier et tout démâter, risquant de tuer quelqu’un.
Après avoir sauvé tout l'équipage, j'ai quitté le navire et suis sorti en prenant toujours les mêmes précautions. Cette manoeuvre a été commencée à 9 heures environ et terminée à 10 h. 45 du matin…"
1. GERS : Le nom vient probablement de celui de la commune de naissance de A.D. Bordes. Antoine-Dominique BORDES est né à GERS, France, en juillet 1815. Fils d’un médicin de campagne, il a effectué ses études à Bordeaux où il est arrivé à l’âge de 11 ans. Ultérieurement il a travaillé comme employé de son frère aîné que tenait un commerce de grains et de farine.1835: Antoine-Dominique BORDES part travailler comme agent maritime au Chili. En 1849, il s'associe avec LE QUELLEC pour une flotte de voliliers joignant Bordeaux à Valparaiso. 1869: Mort du capitaine LE QUELLEC, BORDES rachète sa flotte. 1881: Décès d'Antoine-Dominique BORDES. Ses fils Adolphe, Antonin et Alexandre BORDES continuent la société. 1898: 7e flotte française avec 37 navires pour 79 MTx. En 1905: 1ere armement à voile mondial avec 33 navires. 1914: 46 navires, 60 capitaines, 170 officiers et 1400 matelots et maîtres. 1917: Réquisition par l'Etat. Changement de nom: Compagnie d'Armement et d'Importation des Nitrates de Soude La compagnie perd 18 navires dans la guerre. L'augmentation des frais généraux (assurance, salaires, bordées de 8 heures..) sonne la fin des voiliers. 1935: Dissolution de la Société.
Source : Contre-amiral Roberto BENAVENTE Président de la Confrérie des Captaines Cap-Horniers du Chili
2. L'armement Bordes importait en 1910, la moitié du nitrate européen.
3. Fernand Castaing : Au début du XXe siècle la pêche se développe à La Rochelle grâce à la multiplication des chalutiers à vapeur et aux techniques de chalutage. La première importante pêcherie est créée en 1909, il s’agit de la Société coopérative des armateurs de chalutiers à vapeur dont Fernand Castaing est le principal initiateur.