Plan de carène d'une flûte (Architectura Navalis Mercatoria, F. H. Chapman)
Sur demande du D.R.A.S.S.M.(Michel l'HOUR), il a été demandé à nos associations regroupées sous le nom de A.A.A. (Association Ariane et Andromaque) de localiser précisément, cette épave du XVII eme. De nombreuses recherches avaient déjà été faites pour la retrouver. Certains avaient même déposé des déclarations qui avaient été inventées à partir de la position de la balise nommée "Le Chariot".
Un plongeur avait même déclaré l'épave au D.R.A.S.S.M. en 1984. Mais la position donnée n'avait pourtant pas permis de retrouver l'épave et d'effectuer une expertise à l'époque.
Le 6 avril 1676, au matin, une petite escadre appareille de Paimboeuf. Elle est composée de gabares, de chaloupes et d’une flûte "Le Chariot".
Cette flûte avait été construite en 1673, sous le nom de "La Large" et rebaptisé "Chariot" en 1675.
L’escadre, sur ordre de Colbert, transporte des armes et des munitions destinées à avitailler la flotte de Brest qui se prépare au combat contre les Hollandais(1).
Le vent est bien établi, assez fort de secteur nord-est. Sa route de Paimboeuf à Brest passe dans le sud de l'île d'Hoédic. A cette époque, le phare des Grands Cardinaux n'existe pas encore. Le Chariot est un navire de charge de fort tonnage, son tirant d'eau est conséquent (15 pieds soit environ 4,80 mètres). Il talonne sur une roche, désignée par de Varaignes, commissaire de la marine de l'Amirauté de Nantes (2), comme "la Bonne" (nous pensons qu'il peut s'agir de la Basse Sainte Anne ou des basses d'Ar Fer). Il coule sur son erre dans un fond de 15 à 16 brasses d'eau (à marée basse le grand mât de hune sort de deux brasses.
Les navires au-dessus du site
La découverte du Chariot a été rendue possible par le climat de confiance établi depuis de nombreuses années entre les plongeurs archéologues de l'association et le Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et sous marines (D.R.A.S.S.M,) du Ministère de la Culture et surtout grâce au soutien financier du Conseil Général du Morbihan, du Conseil Régional de Bretagne et de l’Etat.
Partant du point déclaré, et après avoir converti la position, une première recherche par sondeur à sédiments, magnétomètre et plongeurs devait conclure à l'absence d'épave dans un rayon de 200 mètres couvrant largement l'incertitude du système de positionnement utilisé en 1984.
Une nouvelle recherche était entreprise, basée cette fois sur la carte des croches des professionnels de la pêche de Belle-Ile, Houat et Hoédic (de très nombreuses découvertes sont régulièrement effectuées grâce à la coopération des pêcheurs). Onze points ont été ainsi explorés par les plongeurs, sans plus de résultat.
Décidant de repartir à zéro et de ne pas tenir compte de la position déclarée. La nouvelle zone présumée du naufrage a été déduite des documents d'archives (A.N. Marine B2 33). Lors de de sa vite sur le lieu du naufrage, le Sieur de Varaignes commissaire de la marine, avait fait sonder par des marins du Roi, les cotes à l'avant et à l'arrière de l'épave. Ces sondes attestaient d'une importante différence de profondeur entre la poupe et la proue, ce qui impliquait que le navire n'avait pas coulé sur un fond plat comme celui où nous cherchions.
"... étant basse mer, que le grand mât de hune paraît deux brasses hors de l'eau avec les haubans et que l'on voit, celui de misaine rompu à une brasse sous l'eau; ensuite de quoi j'ai fait sondé autour du vaisseau et que l'on a trouvé quinze à seize brasses d'eau sur un fond de vase. Qu'ayant fait sonder sur le devant de la flûte il s'est trouvé cinq à six brasses d'eau dessus; Et ensuite ayant fait de même sur le derrière j'ai trouvé onze brasses. Que le dit vaisseau est encore tout entier suivant ce que nous en avons pu juger par les sondes que nous en avons faites et les grappins que nous avons jetés" ....
Nous avons donc décidé de prospecter systématiquement au magnétomètre à protons, le long des différentes lignes de sondes qui entourent le sud d'Hoédic.
De longues heures de recherche ont permis de relever 84 anomalies magnétiques qui ont pu être groupées en 4 zones. C'est lors de l'exploration de la zone N°3 qu'un tumulus de canons a été découvert.
Les plongée de reconnaissance ont montré une épave est très homogène, avec alignement et empilement d'environ 70 canons sur 3 à 4 couches. Un premier dessin de du site a été proposé, mais faute de visibilité, nous n’avons pu prendre aucune photo sous-marine. Dès la seconde plongée, la cloche de manoeuvre était localisée. Cette cloche figure désormais à l'exposition "La Mer pour Mémoire".
La cloche du Chariot |
Dessin du site (C. Rabault) |
1. La Guerre franco-hollandaise : Pour acquérir l’or et l’argent, il faut les attirer dans le pays; or seul le commerce extérieur le peut : il suffit de limiter les importations et d’accroître les exportations, de façon à avoir un solde positif (théorie anglaise de la balance du commerce), qui signifiera paiement en espèces de la différence par les pays étrangers, et donc entrée de métaux. Cependant, une telle opération n’est possible que si les activités nationales sont assez développées pour satisfaire les besoins intérieurs et laisser un surplus à exporter : d’où la nécessité de stimuler les activités économiques, de les protéger, d’en créer de nouvelles et de lever les obstacles qui les gênent. Ainsi, disait Colbert : «Il faut rétablir ou créer toutes les industries, même de luxe, établir le système protecteur dans les douanes; organiser les producteurs et les commerçants en corporations; alléger les entraves fiscales nuisibles à la population; restituer à la France le transport maritime de ses produits; développer les colonies et les attacher commercialement à la France [...]; développer la marine militaire pour protéger la marine marchande.» […] La colonisation apparaît comme une des conditions de la prospérité économique de la France. Dès 1653, dans le programme qu’il soumet à Mazarin, Colbert met l’accent sur l’importance des colonies. Leur peuplement n’a pour lui d’intérêt que dans la mesure où il est indispensable pour accroître la production. Encore faut-il que ce commerce ne profite pas aux étrangers. Aussi le règlement du 16 juin 1670 établit-il le monopole du pavillon pour le commerce franco colonial. Comme Richelieu, Colbert pense que l’instrument d’une telle colonisation est la compagnie à charte. Cinq sont créées ou réorganisées. La Compagnie des Indes occidentales (1664), dont le siège est au Havre, reçoit le monopole du commerce de l’Amérique, de la côte occidentale d’Afrique. La même année est fondée, avec Lorient pour port d’attache, la Compagnie des Indes orientales, dont le secteur comprend les terres au-delà des caps Horn et de Bonne-Espérance, en vue surtout de l’exploitation de l’Inde et de la Chine. On doit encore à Colbert trois autres compagnies : la Compagnie du Nord (1669) pour la Baltique, la Compagnie du Levant (1670) pour la Méditerranée et la Compagnie du Sénégal (1673) pour la traite des Noirs. (Encyclopædia Universalis).
L’enjeu commercial sur les mers, doublé des visées expansionnistes de Louis XIV, rend le conflit militaire inévitable avec les deux puissances maritimes de l’époque : la Hollande d’abord puis avec l’Angleterre.
Au prix d’un effort étonnant, aussi bien militaire que commercial, la marine des Provinces unies avait acquis une puissance suffisante pour que l’amiral Maarten Tromp, au temps de Cromwell, puisse braver l’Angleterre et hisser, triomphalement, à côté de son pavillon, un balai, symbole de la prétention néerlandaise à dominer la mer du Nord et la Manche. Grâce à Richelieu et à Colbert, la marine française s’était reprise et, passé l’intermède de la Fronde, elle avait connu l’essor que l’on sait. Richelieu avait tout conçu, Colbert avait réalisé la reconstruction d’une flotte (cent vingt vaisseaux, organisation du système des classes, reprise en main de l’autorité sur le corps des officiers).
Dès mai 1674, De Ruyter, Banckert et Tromp entraient en Manche avec soixante-six vaisseaux, cinquante frégates ou transports, et vingt brûlots. On parlait de débarquer une armée hollandaise sur la côte française.
De Ruyter, chargé‚ par le stathouder d'une mission spéciale, fit tout de suite voile vers nos colonies des Antilles avec vingt vaisseaux et vingt-huit navires divers. Le 20 juillet 1674, les cinq mille Hollandais de De Ruyter furent décimés par les défenseurs de Fort Royal. Tromp et Banckert avec le gros de l'armée navale attaquèrent Belle-Ile et Noirmoutier sans grand résultat. La flotte hollandaise regagna ses bases sans victoires, maintenant un vague blocus des côtes françaises.
Alliée aux vaisseaux anglais commandé par le prince Rupert, la flotte de Louis XIV, commandée par d’Estrées affronte les Hollandais, le 17 août 1675 au large de Texel. La victoire des Hollandais dans cet affrontement de Texel allait avoir pour conséquences un renversement des alliances : l’Angleterre, se retire de l’alliance française et fait une paix séparée avec les Provinces Unies, l’Espagne, l’Empire et le Danemark nous déclare la guerre.
Les habitants de Messine, en Sicile, se révoltent contre Charles II. L’Espagne réclame aux Provinces-Unies le secours de leur flotte. La France, pour sa part, soutient les Siciliens. De Ruyter est nommé amiral d’une flotte qui se mesure à celle que commande Duquesne.
Le 22 avril 1676, non loin de Syracuse, le combat naval entre dans sa phase décisive. Atteint d’un boulet qui lui brise les jambes, De Ruyter continue à donner des ordres à ses marins et veille, jusqu’à son dernier souffle, à la bonne retraite de sa flotte. Il meurt le 29 avril 1676. Tous ses contemporains, alliés ou ennemis, sont unanimes pour louer en De Ruyter un grand homme de la mer. Louis XIV lui-même le tenait en haute estime, qui dit en apprenant la nouvelle de sa mort : "C’était un ennemi redoutable, mais nous devons déplorer sa perte. Cet homme faisait honneur à l’humanité." La guerre de Hollande s’achèvera par la paix de Nimègue en septembre 1678. La France abandonna Ath, Audenarde, Charleroi, mais obtint ce que l’Espagne avait gardé de l’Artois : les régions d’Aire-sur-la-Lys et de Saint-Omer. Les Français s’installèrent à Cassel, Cambrai, Valenciennes, Maubeuge...
2. La perte du Chariot : "Au sieur de Seuil Au camp de Condé, le 26 avril 1676. Pour répondre à votre lettre du 17 de ce mois, le Roy a esté bien aise d’apprendre le départ du chevalier de Chasteaurenau de la rade de Camaret. Si vous apprenez de ces nouvelles depuis qu’il est en mer ne manquez pas de me les faire savoir. Vous avez été informé des intentions du Roy surtout ce qui concerne les gardes-costes par les lettres qui vous ont esté escrites, ne manquez pas de vous y conformer C’est un malheur que les epreuves (Note : Il s’agit d’épreuves sur 83 canons de marine à Brest et à Rochefort) qui ont esté faites les sieurs de Besch et du Clos ayent eu aussy mauvais succez. Sa majesté donnera de tels ordres à l’avenir que j’espère que ces manufactures se perfectionneront ou si elles demeurent en l’estat qu’elles sont, sa majesté donnera des ordres pour qu’elles ne puissent recevoir aucun. J’ay vu l’estat que vous m’avez envoyé des marchandises qui était chargées sur la fluste le Chariot. Comme cette perte est considérable, jescris au sieur de Varaignes de se transporter sur le lieu afin de tascher d’en sauver tout ce qui pourra. Faites moy savoir s’il n’y a point eu de la faute du capitaine qui commande cette fluste, comme à m’informler de se qui se passera au port de Brest." Signé Colbert