ARIANE et ANDROMAQUE, frégates de classe Pallas, de 44 canons construite par Mathurin & Antoine Crucy, à Basse-Indre (Nantes) en 1809, lancée le 7 avril 1811 (le 10 mai 1811 pour l'Andromaque). Longueur HT 46,93, longueur de quille 42,41, baud 11,91 hauteur 6,20 mètres, tonnage 790 Tx.
Armement : 28 x 18 livres, 8 carronades de 36 et 8 canons de 8 livres.
Revenant d’une course de 134 jours qui l’avait menée des Açores aux rivages Caraïbes, une division formée par le brick Mameluk et les frégates de 44 canons l’Ariane et l’Andromaque, se présente le 22 mai 1812 au sud de l’île de Groix.
Les frégates sont riches de 14 prises. A ce moment, l’escadre menée par le commandant Feretier aperçoit deux bâtiments anglais, le vaisseau de 74 canons H.M.S. Northumberland et la corvette de 18 canons H.M.S. Grauler qui manœuvrent pour barrer la route aux navires français.
Compte tenu de l’infériorité apparente des bâtiments français, mais surtout des conditions maritimes (vents d’ouest sud-ouest et début de jusant), la logique, sinon le bon sens, aurait dû conduire les Français à fuir vers la haute mer. La vélocité des frégates les aurait rapidement mis hors de portée de l’ennemi. Ainsi l’escadre aurait pu attendre le flot et la nuit, pour se représenter à l’entrée du port de Lorient.
Ce n’est pas la décision que prennent les capitaines Feretier et Morice. Se fiant au jeune enseigne de vaisseau Legrand, familier des parages, ils décident de forcer le passage en longeant la côte de Ploemeur. Hélas l'enseigne Legrand va périr au combat…
L’escadre est aussitôt engagée par les navires britanniques. Les deux frégates, sous le vent du combat d’artillerie, se trouvent perdues dans la fumée.
Hélas, elles talonnent sur la basse rocheuse du Grasu. Echouées en début de jusant, couchées sur leur hanche bâbord, impuissantes, l’Ariane et l’Andromaque, sont soumises au feu roulant du H.M.S. Northumberland. La situation est vite désespérée. Un incendie ravage le pont et la mâture de l’Andromaque.
L’ordre est donné d’abandonner les navires. On met le feu volontairement à l’Ariane. Les deux frégates se disloquent dans l’explosion de leurs soutes à poudre... Egalement échoué à proximité, évacué dans la soirée du 22, le Mameluk est sauvé le lendemain par son commandant, le capitaine Malabée.
Ce dénouement prouve que l’Ariane aurait également pu être sauvée si on n’avait pas, dans la panique, entrepris d’y mettre le feu.
Gravement mis en cause par la commission d’enquête, qui les accusa de lâcheté et les jugea coupables d’impéritie, Feretier et Morice furent cassés et déclarés incapables de servir pour trois ans.
Né à Nantes en 1765, Jean-Baptiste-Henri Féretier est enseigne de vaisseau en 1797, lieutenant de vaisseau en 1803 et promu capitaine de frégate en 1810. Il est membre de la Légion d'honneur et deviendra en 1814 Chevalier de Saint-Louis. Il s'était distingué " dans l'Inde " où il s'était emparé de deux vaisseaux anglais alors qu'il commandait la frégate La Caroline. Il est enterré à Nantes le 11 janvier 1832.
"J'ai l'honneur de rendre compte à votre excellence, qu'hier 22 mai 1812 à cinq heures du matin, je me trouvais avec la division sous mes ordres, composée des frégates l'Ariane, l'Andromaque et de la corvette le Mamelouk à vue des Penmarck et les relevant au nord, distance de cinq à six lieues. Je faisais route sous toutes voiles avec une faible brise de O.N.O. A midi, j'avais doublé les Glénan. Les vents étaient alors de la partie du N.O. et avaient un peu fraîchi. Je filais 4 à 5 nœuds. A onze heures et demi mes vigies apercevaient un trois mâts supposé bâtiment de guerre dans le S.O. de Groix à distance d'environ dix lieues de cette isle, courant bâbord amures et faisait des signaux avec ses voiles. La brise fraîchissait et avec les vents regréant, je jugeai que le bâtiment (reconnu pour un vaisseau de 80) ne pouvait passer au vent de Groix et dans ce moment il arriva pour passer sous le vent. Lorsqu'il me fût masqué par cette isle, je fis des signaux de reconnaissance à la côte auxquels Groix répondit. Les vents ayant passé à l'Ouest et O.S.O. et fraîchi de manière à me faire filer de sept à huit nœuds, je continuai ma route sous toutes voiles possibles en ordre de bataille, le Mamelouk ayant donné ordre de se tenir par ma hanche de bâbord à portée de voix.
A une heure, apercevant que le vaisseau ennemi avait doublé Groix qu'il serrait le vent pour attendre la division aux passes des courreaux je tins le vent bâbord d'amures pour faciliter le ralliement de la division, et me concerter avec les capitaines sur la détermination qu'exigeait la circonstance et qu'elle serait. J'ordonnai par un signal de se préparer à mouiller une grosse ancre avec une croupière pour présenter tribord à l'ennemi. Environ une demi-heure après l'Andromaque passant en poupe demanda mes ordres. Je répondis qu'étant sûr des équipages de la division, j'avais pris la résolution de forcer le passage. A quoi Monsieur Morice répondit que c'était le seul parti à prendre, qu'il avait à bord une pratique qui affirmait connaître assez la passe pour répondre d'y passer la division à portée de pistolet de terre. D'après cela je lui ordonnai en conséquence de prendre la tête de la ligne et le prévint que je le suivrai beaupré sur poupe. Au même instant, je laissais, par un signal, le capitaine du Mamelouk libre de manœuvre pour la sûreté de son bâtiment, et laissant arriver, je suivis l'Andromaque ainsi que j'en étais convenu sous toutes voiles possibles pour forcer le passage. Je consultai mon pilote pour savoir si la route tenue était praticable. Il me répondit que, vu l'heure de la marée, il devait y avoir assez d'eau pour les frégates.
Le vaisseau ennemi venait de virer de bord et courait tribord amures. Un quart d'heure après, il prit l'autre bord, tint le vent afin de se mettre (laissant arriver) en position de nous combattre à portée de pistolets ce qui ne tarda pas à avoir lieu. A trois heures et quart je fis rentrer les bonnettes à l'abri des huniers pour ne pas dépasser l'Andromaque. Peu après un feu très vif s'engagea de part et d'autre et dura près d'une heure à portée de mousqueterie. Je remarquai que celle de l'ennemi était bien nourrie. Après trois quarts d'heure de combat, la fumée était si épaisse, enveloppait tellement l'Andromaque que j'avais peine à apercevoir ses mâts et ne voyais nullement les roches environnantes.
Je faisais sonder continuellement et l'on trouvait encore quatre brasses d'eau par le travers des grands haubans, lorsque je m'aperçus que l'Andromaque avait touché. J'ordonnais à l'instant de venir sur tribord, mais malgré cette manœuvre, je touchais de suite. Le vaisseau serra le vent pour doubler les roches qui me restaient à une longueur de frégate dans le sud. Le combat dura encore quelques minutes, et le vaisseau désemparé de son petit hunier prit le large pour réparer ses avaries.
Au même moment, le Mamelouk me passait par tribord, donna dans la même passe que nous, prit mes ordres qui furent de se rendre à Lorient pour y demander des chaloupes avec des ancres à jet. Mais presque aussitôt il toucha par notre bossoir de tribord à une demi-longueur de frégate. Les frégates commençaient à donner une bande très forte sur bâbord et la mer perdant, l'inclinaison devint telle qu'il était impossible de se servir de la batterie et pour ne pas chavirer, j'ordonnai de faire jeter à la mer les canons et canonnades de bâbord, de vider les pièces à l'eau et enfin de débarquer de l'entrepont et de cale tous les objets qui pouvaient alléger la frégate. Le grand mât étant très endommagé par les boulets et tomba à la mer en coupant seulement les rides il entraîna avec lui nos mâts de hune. Je prenais toutes ces dispositions qui étaient approuvées par les pilotes du port de Lorient venus à bord une demi-heure après l'échouage des bâtiments.
Vers cinq heures et demie le vaisseau anglais accompagné d'un brick vint s'embouer par le travers des frégates et là, pendant deux heures, fit feu roulant sur nous, sans pouvoir lui riposter. Le brick se tenait sous voiles à une demi-portée de ses canons et tirait aussi. Après les premières volées le feu se manifesta dans la hune de misaine de l'Andromaque et fit des progrès si rapides qu'en peu de minutes son gaillard d'avant fut embrasé. Alors son grand mât tomba. J'envoyai à bord un aspirant de première classe pour demander au capitaine Morice l'état de sa frégate. Le canot de retour m'amena un officier qui me fit le rapport qu'il était de toute impossibilité d'éteindre le feu ni de noyer les poudres.
Dès cet instant j'ordonnai d'embarquer les malades, au nombre de quatre vingt six, et les prisonniers dans les canots qui étaient venus de Lorient apporter du secours. Les capitaines du vaisseau F... et Le Fay étaient à bord avec leurs officiers. Je les consultai sur les dispositions que je prenais et ils approuvèrent. Monsieur le Préfet maritime s'étant aussi rendu sur les lieux, je lui rendis compte que la frégate était pleine d'eau et que la carène du côté de tribord était extrêmement endommagée par les boulets, que d'ailleurs de la manière dont elle était échouée les pilotes assuraient qu'il y avait impossibilité de la relever. L'Andromaque brûlait toujours, et à chaque instant menaçait de couler. Monsieur le Préfet voyant toutes ces malheureuses circonstances, m'ordonna d'envoyer à terre ce qui restait de mon équipage et d'abandonner la frégate, qu'il allait même m'envoyer un canot pour me prendre.
Avant de l'abandonner, j'ordonnai à mes officiers d'y mettre le feu, ce qui fut exécuté de suite. A huit heures et demie, tout mon équipage étant à terre, j'embarquai avec mes officiers et, à peine étions nous débarqué, que l'Andromaque sauta. Je vis plusieurs débris embrasés tomber à bord de ma frégate."
Jean Claude Abadie découvre les traces d’un naufrage au large de Lorient-Ploemeur (Morbihan). Quelques temps plus tard, un autre plongeur, Alain Delcambre, signale la présence d’un canon en bronze dans la même zone. Les épaves des frégates de 40 canons, Ariane et Andromaque, recherchées depuis de nombreuses années, sont enfin localisées.
Une mission d’expertise menée par Monsieur Michel L’Hour, ingénieur de recherche au DRASSM (Ministère de la Culture), confirme l’intérêt archéologique et historique du site. Elle confie des sondages en 1996, 1997, 1998, 1999, 2000 et 2001 à Bernard de Maisonneuve et Jean-Michel Kéroullé et leurs équipes, tous bénévoles.
La basse de Grasu est un chapelet de roches à 0,5 mille de terre. Elle provoque un chenal où les frégates se sont échouées et naufragées. Le mobilier archéologique est très répandu. Plus de 200 pièces archéologiques constituées d’éléments d’armement, d’accastillage, d’objets du bord et des prises (pièces en argent, couverts en étain, chaussures, ustensiles de cuisine, tonneaux), ont été remontés, traités et classés en trois sous chapitres (armes, armement du bateau et effets personnels).
Cinquante-quatre plongeurs ont réalisé 1200 heures de plongée sur un fond de 1 à 10 mètres.
Le sondage de juin 2000 a permis de définir la position de la deuxième frégate et de valider la relation du naufrage faite par les archives. L'année 2001 a été consacrée au traitement, à la valorisation des objets recueillis et à la synthèse de ces quatre années de travail.
Une exposition sur la fouille des frégates Ariane & Andromaque a été présentée à la Cité de la Mer de Cherbourg.
Plan de caroyage
Canons en bronze (Photo A.A.A.) | Collection de monnaies (Photo A.A.A.) |
Diaporama des Artefacts |